« Les Français jihadistes » de David Thomson

123Le phénomène des Français partis faire le jihad a suscité un choc quand, fin 2014, l’opinion publique hexagonale a découvert qu’un Normand converti avait non seulement rejoint les rangs de l’Etat Islamique, mais qu’en plus il avait participé, en tant que bourreau, à une vidéo mettant en scène la décapitation d’un groupe de prisonniers syriens.

L’intéressé n’était pas issu de l’immigration, ne vivait pas dans une banlieue sordide, n’a pas été délaissé par des parents démissionnaires, n’était pas analphabète, ni délinquant, ni chômeur de longue durée… Les idées reçues étaient mises à mal. Et l’on découvrit qu’il n’était pas unique en son genre quand un combattant syrien de l’EI participant à la même vidéo fut confondu avec un autre Français, lui aussi combattant du califat de Raqqa. David Thomson, auteur du livre dont il est question ici, fut alors, si ma mémoire est bonne, le premier à remarquer qu’on se trompait de bonhomme. Le jihadiste de la vidéo avait les yeux bruns. Le Français pour qui on le prenait les avait clairs. Quand tout le monde vibrionnait, David Thomson a tout simplement regardé, puis dit ce qu’il avait vu.

C’est cette approche qui fait tout l’intérêt du livre. Hors du tumulte de l’actualité brûlante et des ses émotions désordonnées, l’auteur ne se pose ni en avocat, ni en procureur. Avec recul, il a observé, consigné puis raconté, sans manières mais avec pudeur, le parcours de ces Français, le plus souvent très jeunes, partis donner leur vie à Allah avec une ambition au-dessus de tout: le martyre. Des gens à peu près comme tout le monde. Leur petite histoire, pas spécialement exceptionnelle. Le concours de circonstances, le virage qui les a conduits dans cette voie. Tout simplement. Sans chercher à condamner ni à promouvoir leur démarche. Ce livre est un constat. Il est factuel.

« Les Français jihadistes » est un ouvrage très accessible, qui se lit d’une traite. Oserai-je dire « presque comme un roman »… Quand on referme ce livre, on n’a pas réponse à tout, et c’est aussi cela qui le rend crédible. Mais on a découvert beaucoup de choses, jeté aux orties pas mal d’idées reçues, et on se pose enfin les bonnes questions sur ce qu’il reste à apprendre.

Quelques exemplaires n’ont pas encore été vendus. Et une réédition est dans les tuyaux. Ca tombe bien car il serait dommage de s’en passer.

Jean-Marc LAFON