Al Qaeda a-t-il perdu sa branche syrienne?

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Première photo officielle d'Abu Muhammad al-Joulani, émir de Jabhat al-Nusra, publiée le 28 juillet 2016, en amont de son allocution fondant Jabhat Fath al-Sham

Première photo officielle d’Abu Muhammad al-Joulani, émir de Jabhat al-Nusra, publiée le 28 juillet 2016, en amont de son allocution fondant Jabhat Fath al-Sham

Lors d’une allocution prononcée le 28 juillet 2016 et amplement diffusée le jour même, Abu Muhammad al-Joulani, émir de Jabhat al-Nusra, franchise syrienne d’al-Qaeda, a annoncé la fin de toute activité de son organisation sous ce nom, et la création d’une autre entité nommée Jabhat Fath al-Sham, « affiliée à aucune entité extérieure ». Certains commentateurs ont bien voulu y voir une «rupture de liens», une concession faite à la «modération », et même un coup dur voire le début de la fin pour al Qaeda (1). Plus d’un a considéré que le but de la manœuvre était d’éviter d’éventuels bombardements conduits par un partenariat américano-russe. Il est toutefois fort à craindre que cette interprétation ne résiste pas à un examen circonstancié des faits. L’évènement pourrait même entraîner dans son sillage des conséquences tout à fait indésirables, du point de vue occidental et au-delà.

Nous ne retracerons pas ici l’historique de Jabhat al-Nusra, déjà traité sur Kurultay.fr en janvier 2015 (2), et qu’il sera utile d’avoir en mémoire pour appréhender le sujet du présent article. Rappelons tout de même que Jabhat al-Nusra a tiré un parti considérable de l’attaque que menèrent les forces de Bachar al-Assad, le 21 août 2013, contre Ghouta – un faubourg de Damas aux mains de la rébellion – avec un gaz fortement soupçonné d’être du sarin. De nombreux groupes syriens d’opposition appelèrent à une intervention militaire US, mais la Maison Blanche adhéra à une proposition de règlement émanant de Moscou, prévoyant que Damas remette ses armes chimiques aux Occidentaux pour destruction. Cette gestion en demi-teinte fut accueillie par une grande part de l’opinion en Syrie comme une impunité accordée à Bachar al-Assad. Jabhat al-Nusra acquit alors un crédit de sympathie conséquent parmi la population en exerçant « le talion » à travers des actions spectaculaires – enlèvements, exécutions médiatisées de personnalités, vagues d’attentats – visant le régime et les communautés réputées proches de lui. Déjà connue comme une composante redoutable et difficilement contournable de l’opposition armée à Bachar al-Assad, l’organisation s’affichait ainsi en punisseuse des crimes du régime tandis que les Occidentaux étaient présentés comme complices d’Assad. Ce fut là un excellent accélérateur pour la démarche, d’ores et déjà initiée dans les campagnes, d’instauration d’une gouvernance fondée sur les tribunaux islamiques et l’implémentation de la charia – progressive, car contrairement à l’EI, Jabhat al-Nusra n’administre pas seul, préférant s’imbriquer dans des organisations multi-groupes qui lui permettent d’influencer les autres entités tout en rendant plus difficiles des frappes occidentales sélectives. Il en résulte qu’aujourd’hui, Jabhat al-Nusra ne tient aucun territoire seul mais est présent un peu partout dans les secteurs de Syrie sous influence rebelle, bien au-delà de la province d’Idlib où il constitue la clef de voûte d’une administration islamique conforme à ses vues.

Logo de la coalition Jaysh al Fath qui a conquis, administre et opère militairement dans la province d’Idlib. Les groupes fondateurs sont Jabhat al-Nusra, Ahrar al Sham, Jund al Aqsa, Liwa al Haqq, Jaysh al Sunna, Ajnad al Sham et Faylaq al Sham.

« Jabhat al-Nusra light » : une idée neuve?

Pour entamer cette étude sur la mutation de Jabhat al-Nusra en Jabhat Fath al-Sham, rappelons que l’idée d’un « Jabhat al-Nusra light » non inféodé à al Qaeda n’est pas à proprement parler une nouveauté. Ainsi, en mars 2015, Mariam Karouny, du bureau libanais de l’agence Reuters, signalait les échos de tractations conduites sous l’égide du Qatar, visant à la fondation d’un nouveau mouvement sur la base de Jabhat al-Nusra, sous un autre nom et sans inféodation à al Qaeda (3). Citant des sources internes au mouvement, Mariam Karouny annonçait le processus comme irréversible et d’ores et déjà amorcé par Abu Muhammad al-Joulani. S’appuyant sur une «source proche» du ministère qatarien des Affaires étrangères, la journaliste soulignait que Doha chercherait à exploiter les capacités opérationnelles de Jabhat al-Nusra au profit de ses propres objectifs dans la région, tout en s’affranchissant d’un obstacle juridique de taille: son inscription par l’ONU sur sa liste des organisations terroristes. Rappelons par ailleurs que les Etats du Conseil de Coopération du Golfe ­– dont le Qatar fait partie – ont cosigné le communiqué de Djeddah, une initiative de la diplomatie US engageant les signataires à s’interdire de soutenir les groupes terroristes. Et quoique le tout récent Country Reports on Terrorism(4) du département d’Etat US souligne que des organisations et particuliers qatariens continuent de financer les éléments du réseau al Qaeda, ce soutien ne saurait égaler en efficacité un appui logistique et financier qui serait opéré directement et au grand jour par l’Etat. D’où la quête d’une telle possibilité sur le plan juridique.

Fakk al-irtibat

Toujours est-il que par la suite, épisodiquement, des rumeurs furent propagées par certains relais, non officiels mais habituels et réputés fiables, de Jabhat al-Nusra sur les réseaux sociaux. Elles laissaient envisager une possible « rupture de liens » – en arabe, fakk al-irtibat. La notion consiste en la rupture du serment d’allégeance, la baya, qui en l’occurrence liait Abu Muhammad al-Joulani à Ayman al-Zawahiri, émir d’al Qaeda. Quand l’EI instaura le califat et fut en cela désavoué par al-Zawahiri, al-Joulani dénonça la baya le liant au calife de l’EI, Abu Bakr al-Baghdadi, en arguant du fait qu’il avait prêté ce serment après la baya d’al-Baghdadi à al-Zawahiri. Al-Joulani, émir de Jabhat al-Nusra, se trouvait par conséquent lié par baya  à al-Zawahiri. Jusque dans les heures qui ont précédé l’allocution d’Abu Muhammad al-Joulani le 28 juillet 2016, les réseaux sociaux ont résonné de ce fakk al-irtibat qui, selon la rumeur, alimentait de rudes débat au sein de Jabhat al-Nusra. Le verbe « résonner » est ici employé à dessein car cela résonne encore à travers les titres de certains des principaux articles dédiés à la question dans la presse internationale. «Jabhat al-Nusra Breaking ties with Al Qaeda ». «Breaking ties» : littéralement, la rupture du lien, c’est Fakk al-irtibat…

Le discours d’Ayman al-Zawahiri diffusé le 8 mai 2016

Ayman al-Zawahiri, discours publié sous forme audio le 8 mai 2016: « Hâtons-nous en direction du Sham »

En mai 2016, Ayman al-Zawahiri, émir d’al Qaeda, successeur d’Oussama Ben Laden à la tête de l’organisation, a publié un message audio dédié à la question du jihad au Levant, «Hâtons-nous en direction du Sham » (5). Il y louait « la seule révolution populaire du ‘printemps arabe’ qui ait pris la bonne voie : celle de la Dawa (6) et du Jihad pour établir la Charia, gouverner par elle et s’efforcer d’établir le Califat selon la méthodologie prophétique, pas le Califat d’Ibrahim Badri » (7). Il y mettait en garde les moudjahidines du Sham : « L’unité est pour vous une question de vie ou de mort. Soit vous vous unirez et vivrez dans l’honneur tels des Musulmans, soit vous serez mangés un par un ». Le message s’adresse à la fois à la branche syrienne d’al-Qaeda et aux groupes idéologiquement compatibles mais qui n’ont pas rejoint formellement le réseau. Au centre du discours, ce propos tout sauf anodin: « Nous n’avons eu de cesse de répéter que si les Musulmans du Sham – et en leur sein les braves Moudjahidines – fondent leur Etat Musulman et choisissent leur Imam, alors ce choix n’incombera qu’à eux.  Nous, par la grâce d’Allah, ne luttons pas pour l’autorité, nous combattons pour le règne de la Charia. Nous n’ambitionnons pas de diriger les Musulmans mais voulons être dirigés comme des Musulmans, par l’Islam. Nous avons appelé, et continuons de le faire, à l’unification des Moudjahidines du Sham pour établir une gouvernance Islamique. Celle-là même qui répand la justice, la Choura (8), restaure les droits du peuple, aide les opprimés et ravive le jihad, ouvrant ainsi les territoires, et lutte pour libérer al-Aqsa (9) et restaurer le Califat selon la méthodologie prophétique. Par la volonté d’Allah, l’association à une organisation (à savoir al Qaeda) ne sera jamais un obstacle face à ces grands espoirs ». La graine était semée. L’idéologie motrice, salafiyya jihadiyya, considère politique et religion comme un seul et même sujet. Selon son paradigme, la finalité politique prime sur tout le reste parce qu’elle est conforme à la légalité religieuse et aux devoirs suprêmes de la communauté des croyants – l’Oumma. Cette allocution d’Ayman al-Zawahiri constituait une intéressante illustration du principe. La mettre en perspective avec la suite des événements renforcera ce constat. Elle fixait pour finalité la gouvernance islamique sous l’égide de la charia et sous l’autorité des tribunaux islamiques dédiés à son application, ladite finalité dominant de toute sa hauteur l’ambition de pouvoir des individus et des organisations. D’une pierre deux coups : al-Zawahiri donnait une leçon de vertu et jetait un pavé dans la mare de l’Etat Islamique (alias Daesh) – d’ailleurs, un peu plus loin dans son allocution, il ironisait sur le « calife surprise ».  Et d’enfoncer le clou : « En vérité, nous, al Qaeda, n’acceptons pas de serment d’allégeance qui ne soit formulé volontairement, nous ne forçons personne à nous prêter allégeance sous peine de décapitation, pas plus que nous n’excommunions ceux qui nous combattent, contrairement aux Khawarij d’aujourd’hui ». Mais il pondère:«  Les grands criminels internationaux se satisferont-ils pleinement de ce que [les gens de] Jabhat al-Nusra rompent leurs liens – il s’agit bien là de la notion de fakk al-irtibat, ndlr –  avec al-Qaeda ? Ils les forceraient ensuite à s’asseoir à la même table que les assassins, puis à entrer dans le jeu malsain de la démocratie. Enfin, ils les jetteraient en prison comme ils l’ont fait avec le Front Islamique du Salut en Algérie et les Frères Musulmans en Egypte. »

Des mots lourds de sens et de portée politique. Dans un premier temps, le rappel du but ultime qu’est l’instauration du califat, et l’énonciation des principes : l’intérêt de l’Oumma avant l’intérêt des groupes; le besoin d’unifier pour ne pas se faire dévorer; le caractère facultatif des allégeances. Mais dans un deuxième temps, la pondération des principes par une mise en perspective avec l’expérience acquise : la rupture de lien – fakk al-irtibat – conduirait à la catastrophe. Comment pourrait-on analyser la « mutation » de Jabhat al-Nusra en Jabhat Fath al Sham sans se référer à ce discours d’Ayman al-Zawahiri ?

Qu’est-ce que le Sham?

Accordons-nous un bref intermède sémantique pour noter que l’emploi récurrent du mot « Sham » dans le présent article n’est pas le fait d’une fantaisie langagière de votre serviteur. Le terme, qui n’est qu’imparfaitement traduit par notre « Levant », désigne un périmètre d’une importance historique et symbolique fondamentale pour l’islam, depuis les premiers siècles de l’Hégire. Il embrasse la Palestine (Israël), le Liban, la Syrie, la Jordanie et les provinces de Gaziantep, Diyarbakir et Hatay dans l’actuelle Turquie. Nous attirons vivement l’attention du lecteur sur le fait que les frontières actuelles – héritées, après maintes péripéties, des accords Sykes & Picot – ne sont pas reconnues par les tenants de l’idéologie jihadiste. Dans aucun des discours évoqués ici ne figure le mot Suria (Syrie). Et Sham n’en est pas synonyme. Pas plus que son emploi ne relève du tic de langage chez les intéressés. Mais poursuivons…

Le discours d’Ahmad Hassan Abu al-Khayr al-Masri le 28 juillet 2016

Le visuel associé par al-Manara al-Bayda, branche médiatique de Jabhat al-Nusra, à l’allocution (audio) d’Ahmad Hassan Abu al-Khayr, Naïb d’Ayman al-Zawahiri, le 28 juillet 2016

Le 28 juillet dernier, al-Manara al-Bayda, la branche médiatique de Jabhat al-Nusra, publiait une allocution de l’Egyptien Ahmad Hassan Abu al-Khayr al-Masri, présenté pour la première fois comme le Naïb (l’adjoint) d’Ayman al-Zawahiri. Naïb dont des sources crédibles et concordantes signalent qu’il vit actuellement en Syrie. Ce discours soutient le besoin impérieux d’user de « tous les moyens possibles pour préserver le jihad au Sham » et d’ « écarter toute excuse inspirée par l’ennemi visant à diviser les Moudjahidines de leur environnement sunnite qui les soutient  ». Cette formule vise tout particulièrement les groupes armés qui rechignent à avancer trop loin leur partenariat avec Jabhat al-Nusra car celui-ci, considéré comme organisation terroriste par la communauté internationale, est non seulement une cible juridiquement légitime pour elle, mais il est en outre exclu, tout comme l’EI, de tout cessez-le-feu conclu sous l’égide des Nations Unies. Le terme «excuse» implique que les intéressés fuient un devoir. Cette « excuse » effacée, ils n’en auraient plus et seraient donc à considérer comme des hommes fuyant leur devoir s’ils ne consentaient toujours pas à serrer les rangs avec Jabhat al-Nusra.  Puis, la pièce maîtresse du propos vient assurer la liaison entre le discours de mai d’Ayman al-Zawahiri et la suite des évènements : «Nos frères Moudjahidines du Sham sont devenus une force qui ne peut être sous-estimée, gouvernant avec excellence les territoires libérés à l’aide de tribunaux légitimes qui appliquent la Loi d’Allah, et mettent en œuvre des institutions qui protègent le peuple et en prennent soin. […] Le stade qu’a atteint l’Oumma en matière de diffusion du jihad ne doit pas être étouffé par les logiques de groupe ou d’organisation ». La bénédiction d’al-Qaida est dès lors constituée pour la poursuite de la lutte de Jabhat al-Nusra hors de sa tutelle formelle. Il ne faut toutefois jamais perdre de vue le fait que dans de telles communications, chaque mot  est savamment pesé afin de revêtir toute la force nécessaire sans pour autant fermer des voies qui pourraient s’avérer utiles par la suite… La conclusion d’Ahmad Hassan Abu Al-Khayr constitua en l’occurrence une sorte de merveille du genre : « Serrez les rangs pour protéger notre peuple et défendre notre terre, émerveillez nos yeux de votre unité dans une gouvernance islamique vertueuse qui restitue leurs droits aux Musulmans et établit la justice entre eux. » Notez bien, cher lecteur « notre peuple » et « notre terre ».  Qui est « nous » ? Ahmad Hassan Abu al-Khayr est un jihadiste égyptien de 58 ans. « Notre peuple » et « notre terre » sont, de sa bouche, deux notions qui n’ont pas le moindre rapport avec un quelconque nationalisme syrien, pas plus qu’avec la reconnaissance des frontières actuelles. « Notre peuple » est l’Oumma et « notre terre » la terre de l’Oumma. A noter: dans cette allocution, de fakk al-irtibat, point l’ombre…

Le discours d’Abu Muhammad al-Joulani le 28 juillet 2016

Le logo de Jabhat fath al-Sham, dont la parenté symbolique et graphique avec celui de Jaysh al-Fath est incontestable

L’allocution (11) d’Abu Muhammad al-Joulani, émir de Jabhat al-Nusra, a été diffusée une poignée de dizaines de minutes après celle d’Ahmad Hassan Abu al-Khayr, notamment via al-Jazeera et Orient News (12). Nous allons l’étudier sous deux aspects : le texte et l’image, car le choix d’un média audiovisuel ne doit rien au hasard, la mise en scène et les détails s’étant mis au service du discours après avoir fait l’objet d’un soin tout particulier.

Le texte

Le discours d’Abu Muhammad al-Joulani est plutôt concis, commençant par de chaleureux remerciements aux « dirigeants d’Al Qaeda en général, au Dr Sheikh Ayman al-Zawahiri et à son Naïb le Sheikh Ahmad Hassan Abu al-Khayr en particulier ». Remerciements « pour leur position, par laquelle ils donnent la priorité au peuple du Sham, à son Jihad, à sa révolution, ainsi que pour leur juste estimation des bienfaits du Jihad. Cette noble position restera dans les annales de l’histoire ». Le jihad et la révolution dans la même phrase sont de toute évidence la reprise de l’argument d’Ayman al-Zawahiri sur « la seule révolution populaire du ‘printemps arabe’ qui ait pris la bonne voie : celle de la Dawa et du Jihad ». Le jihad étant présent dans les discours de l’émir d’al-Qaeda et de son Naïb, la reprise du concept par Abu Muhammad al-Joulani l’inscrit dans une continuité incontestable. Les trois hommes emploient le même langage pour évoquer les mêmes concepts. Abu Muhammad al-Joulani salue au passage la philosophie des dirigeants d’al Qaeda consistant à faire primer l’intérêt de la communauté sur celui des groupes spécifiques, assortissant son propos d’une citation d’Oussama Ben Laden – référence dont le choix ne doit assurément rien au hasard. Là encore, on note une linéarité exemplaire, depuis le discours de mai d’Ayman al-Zawahiri jusqu’à celui d’Abu Muhammad al-Joulani le 28 juillet, en passant par celui d’Ahmad Hassan Abu al-Khayr quelques instants plus tôt. Suit un argumentaire fondé sur le devoir incombant à Jabhat al-Nusra d’ « alléger le fardeau du peuple sans compromettre nos solides convictions ni nous relâcher face à la nécessaire continuité du Jihad du Sham ». Il insiste sur la lutte pour « combler les décalages entre les groupes de Moudjahidines et nous-mêmes », dans l’espoir de « former une organisation unifiée fondée sur la Choura ». Encore et toujours la continuité conceptuelle et sémantique entre les trois discours. Vient enfin un argument d’une importance politique cruciale : « répondre aux demandes du peuple du Sham d’exposer au grand jour les supercheries de la communauté internationale, dirigée par les Etats-Unis et la Russie, dans ses implacables bombardements et déplacements des masses musulmanes du Sham, sous le prétexte de viser Jabhat al-Nusra, une filiale d’al Qaeda » (13). Ce propos descend en droite ligne de celui d’Ayman al-Zawahiri quand il évoquait les conséquences d’une éventuelle rupture de liens. Puis Abu Muhammad al-Joulani en vient à l’annonce de la décision tant attendue : «pour les raisons précitées, nous déclarons l’annulation de toutes opérations sous le nom de Jabhat al-Nusra et la formation d’un nouveau groupe opérant sous le nom de « Jabhat Fath al-Sham », cette nouvelle organisation n’étant affiliée à aucune entité extérieure»(14). Notez que le « lien rompu », fakk al-irtibat, ne fait nullement partie de la formulation. Enfin Abu Muhammad al-Joulani conclut-il en énumérant les cinq buts fondamentaux de cette nouvelle organisation :

«1- Travailler à l’établissement de la religion d’Allah (swt) (15), en ayant sa Charia pour législation, établissant la justice parmi tous. »  L’attribution du n°1 à cette proposition est d’une évidence implacable pour un mouvement à finalité théocratique. Notez que la poursuite de ce but n’est circonscrite à aucun périmètre exprimé.

« 2- Tendre vers l’unité avec tous les groupes, afin d’unifier les rangs des Moudjahidines et de libérer la terre du Sham du hukm al-tawaghit et de ses alliés.»  Dans le sous-titre en anglais de la vidéo du discours d’al-Joulani tel qu’apparu sur la chaîne Orient News, et dans les communiqués en anglais de Jabhat Fath al-Sham, hukm al-tawaghit est traduit the rule of the tyrant [Bashar].  « Le règne du tyran (Bachar) ». Mais à ce stade, votre serviteur tique vigoureusement. Dans le champ lexical des partisans de la salafiyya jihadiyya, le terme hukm al-tawaghit désigne la loi de la fausseté, l’adoration des fausses divinités, c’est-à-dire tout ce qui prétend régir la vie des peuples hors de la loi d’Allah, la Charia. Il y avait d’autres manières d’exprimer le fait de renverser Bachar al-Assad. Par ailleurs, tawaghit est un pluriel. Celui de taghout. S’il s’agissait de renverser « le tyran Bachar al-Assad » comme le laisse entendre la traduction en anglais, pourquoi tawaghit, au pluriel alors que Taghout Bachar al-Assad aurait fort bien fait l’affaire? Hukm al-tawaghit peut signifier « l’empire des tyrans » – et non pas « du tyran ». Mais alors, «tyran» est à considérer selon une acception théocratique : « celui qui a usurpé la puissance souveraine dans un Etat » , en l’occurrence au détriment d’Allah et de la Charia.  Dans le lexique jihadiste, hukm al-tawaghit convient aussi pour décrire la vision politique du mouvement rebelle musulman mais nationaliste Hazm, contraint de se dissoudre le 1er mars 2015 après avoir été étrillé par Jabhat al-Nusra. Celle du Front Révolutionnaire Syrien, que Jabhat al-Nusra a durement frappé en quelques occasions. Celle de la Division 13 de l’Armée Syrienne Libre, dont Jabhat al-Nusra a pris d’assaut le QG à Maraat al-Nu’man en mars 2016, emportant tout l’armement, et quarante otages en prime. Et de bien d’autres mouvements, en l’occurrence tous ceux qui veulent doter la Syrie d’une constitution (16) alors que l’agenda de Jabhat al-Nusra est en la matière celui d’al-Qaeda : il n’est pas question d’une constitution portée par un parlement mais de la charia portée par les tribunaux islamiques dans une théocratie administrée via la choura.

« 3- Protéger le Jihad du Sham et assurer sa continuité, en employant pour ce faire tous moyens légitimes d’un point de vue islamique. » L’évocation de la continuité du jihad du Sham constitue une répétition délibérée, le propos figurant déjà dans le texte précédant l’énumération des buts. Notons que la notion de « continuité » n’est assujettie à aucune limite périmétrique. La continuité du jihad du Sham peut tout à fait être assurée, par la suite, hors du Sham, comme celle du jihad d’Afghanistan fut assurée, par exemple, en Irak et au Sham, y compris par bon nombre de vétérans de Jabhat al-Nusra. Insistons sur la cohérence sémantique et conceptuelle des trois discours…

« 4- S’efforcer de servir les Musulmans, de s’occuper de leurs besoin quotidiens et de soulager leur fardeau par tous les moyens possibles. »

« 5-Assurer la sécurité, la stabilité et une vie honorable pour la population en général. » On notera simplement que les musulmans et la population en général sont deux notions bien distinctes, ce qui est tout à fait cohérent avec la vision à laquelle adhèrent les jihadistes de la cohabitation des croyances.

Que dire pour conclure sur le propos d’Abu Muhammad al-Joulani si ce n’est que, dans la continuité des deux allocutions évoquées ci-avant, la rupture du lien, fakk al-irtibat, avec al Qaeda n’y a pas été abordée ? L’allégeance d’Abu Muhammad al-Joulani à Ayman al-Zawahiri ne figure tout simplement pas parmi les sujets traités. Et au terme de ce discours, il est tout à fait clair, sans aucune équivoque, que cette baya demeure. Ceux qui ont intitulé leurs analyses breaking ties ou «rupture des liens» ont lu la formule au hasard des réseaux sociaux, et ne l’ont en aucun cas tirée des propos des officiels, où elle n’est même pas implicitement présente, sauf dans le discours d’Ayman al-Zawahiri qui n’en a parlé que pour en évoquer les lourds dangers.

Mise en scène et décor

Abu Muhammad al-Joulani (au centre) prononçant le discours fondateur de Jabhat Fath al-Sham le 28 juillet 2016, entouré du jihadiste égyptien Abu Faraj al-Masri (en blanc) et du juge de la charia originaire de Syrie Abu Abdullah al-Shami.

La pièce est habillée d’un blanc cassé délicat qui supporte le logo de Jabhat Fath al-Sham, rondement calligraphié de noir sur fond blanc. Oubliés les étendards noirs inquiétants. Assis derrière un bureau de bois massif, trois hommes. Au centre se tient Abu Muhammad al-Joulani. A cette occasion parait sa première photo officielle – mais son visage n’est pas inconnu de l’observateur assidu. Lequel observateur assidu a du mal à réfréner une impression de déjà-vu. Le turban blanc dont un pan tombe par-dessus l’épaule droite jusque sur le buste, le visage serein, le sourire bienveillant et la veste camouflée évoquent avec tant de force une photo célèbre d’Oussama Ben Laden que votre serviteur a dû faire un gros effort pour ne pas sourire. Rappelez-vous : Abu Muhammad al-Joulani a cité Ben Laden dans son discours.

A gauche, Oussama Ben Laden. A droite, Abu Muhammad al Joulani le 28 juillet 2016. Qui croit au hasard?

Penchons-nous maintenant sur le cas des deux hommes assis de part et d’autre d’Abu Muhammad al-Joulani.

A gauche de l’émir – à droite de l’image donc – se tient Abdel Rahim Atoun, alias Abu Abdullah al-Shami. C’est un jihadiste syrien, qui se trouve être un éminent juge de la charia au sein de Jabhat al-Nusra. A ce titre, il incarne dans cette mise en scène un sujet transversal des trois allocutions évoquées ici : la gouvernance islamique par la charia et ses tribunaux. Etant, comme al-Joulani, natif de Syrie, il contribue à étoffer à l’écran la représentation des autochtones, en quantité comme en prestige.

Abu Abdullah al-Shami, l’homme assis à la gauche d’Abu Muhammad al-Joulani

A droite de l’émir – à gauche de l’image, pour les distraits – est assis l’Egyptien Ahmed Salama Mabrouk, alias Abu Faraj al-Masri. Vieux compagnon de route d’Ayman al-Zawahiri, on trouve sa trace dès le complot qui conduisit à l’assassinat du président Anouar al-Sadate en 1981, ce qui lui valut sept ans de prison au terme desquels il se rendit en Afghanistan. Sa biographie fut traitée par Thomas Joscelyn dans un article dédié en mars 2016 (17). Il représente ici  la vieille école – il a soixante ans–, dont il apporte symboliquement la caution, tout en incarnant la continuité. Mais est aussi l’icône du jihad mondial – Jabhat al-Nusra, et Jabhat Fath al-Sham dans sa continuité, compte un nombre conséquent d’étrangers dans ses rangs, ainsi que parmi ses alliés les plus fidèles, à l’image des Ouïghours du Parti Islamique du Turkestan. Sans oublier le lien avec al-Qaeda – sa biographie ne trahit guère de penchants pour la modération ni le nationalisme, et on le voit mal en symbole du fakk al-irtibat avec al-Qaeda. L’auteur de ces lignes avoue bien humblement avoir perdu un peu de son habituel sérieux en constatant que non seulement Abu Faraj al-Masri avait teinté sa barbe pour l’occasion, mais qu’il l’avait aussi… taillée.

Abu Faraj al-Masri, l’homme assis à la droite d’Abu Muhammad al-Joulani, saisi ici avant que sa barbe ne subisse un surprenant traitement.

Si Abu Muhammad al-Joulani a choisi de prononcer son discours face aux caméras plutôt que de se contenter de micros, cela visait un but. Nous n’avons pas là des gens qui organisent les moments importants de leur combat avec frivolité. Si l’image a été utilisée, c’est au service du but politique. Il fallait afficher certains symboles immuables tout en brouillant les cartes pour assurer la continuité de l’écho de la « rupture de liens ». Pour ce faire, on a campé un décor simple mais tout en rondeur, rassurant. Et on y a installé Abu Muhammad al-Joulani déguisé en Ben Laden à sa période afghane, un juge de la charia vêtu de tons de kaki des pieds à la tête et un vieux baroudeur du jihad mondial proche depuis toujours de l’émir d’al-Qaeda, tout de blanc vêtu et… à la barbe taillée. Tout cela est fort bien, mais en déduire le supposé message fakk al-irtibat, qui n’a pas non plus été formulé verbalement, n’est pas possible.

Synthèse

Le Front pour le Secours du Peuple du Sham – Jabhat al-Nuṣrah li-Ahli ash-Sham – est donc devenu le Front pour la Conquête du Sham – Jabhat Fath al-Sham. Ce processus a été jalonné par trois prises de parole successives, fondamentales, que nous avons commentées ci-avant. Ces trois discours sont les pièces maîtresses d’un même édifice. Ils se suivent chronologiquement et politiquement selon une pente descendante hiérarchiquement : l’émir d’al-Qaeda, puis son Naïb, et enfin l’émir de Jabhat al-Nusra. Tous trois conformes à une même charte philosophique et sémantique, ces discours fixent les mêmes buts fondamentaux, à la fois religieux et politiques, les deux notions n’étant pas séparables selon les prémisses de l’agenda jihadiste : l’unité des moudjahidines pour le succès du jihad en vue de l’établissement d’une gouvernance fondée sur la charia. Ils s’inscrivent dans la même finalité : l’instauration du califat selon la méthodologie prophétique. Cet épisode de l’histoire du jihad moderne ne peut être étudié qu’à la lecture des trois discours, pas uniquement du dernier. A aucun moment il n’est question de la rupture de liens dont tant de titres de presse se sont faits l’écho, reflétant en cela plutôt l’activité des réseaux sociaux que les propos habilement ciselés des leaders d’al-Qaeda et de Jabhat al-Nusra. L’allégeance d’Abu Muhammad al-Joulani à Ayman al-Zawahiri est toujours en vigueur. Le « jihad du peuple du Sham » est toujours en marche, et rien de concret n’autorise à penser que le sens du mot «jihad », concept qui ignore les frontières politiques actuelles, a changé pour Abu Muhammad al-Joulani, lui qui en son temps était parti le faire en Irak, ni pour aucun de ses deux compères assis autour de lui à la table d’où il a prononcé son allocution. Rien ne permet d’imaginer que les leaders de Jabhat Fath al-Sham vont promouvoir un agenda « focalisé localement » tout en bénéficiant, par exemple, de l’appui militaire des Chinois – Ouïghours en l’occurrence – du PIT venus de leurs sanctuaires d’Afghanistan et du Pakistan mourir pour leur jihad au Sham, parce que c’est un devoir de « porter le jihad contre tous les ennemis de l’Islam », comme le dit l’émir du PIT Abdul Haq al Turkistani (18). Rien ne permet d’imaginer que Jabhat Fath al-Sham va renvoyer à leurs foyers ses combattants étrangers venus des quatre coins du monde – d’Egypte, par exemple, en blanc à la table du discours – car tout cela, voyez-vous, n’est qu’une affaire de « focus local ». Au contraire, un peu d’histoire très contemporaine nous enseigne qu’en 2006, al-Qaeda en Irak est devenu Dawlat al-Iraq al’Islamiyah, « Etat Islamique d’Irak », en s’unissant avec les cinq autres mouvements du Conseil  de la Choura des Moudjahidines d’Irak. Et si la nouvelle entité essuya un sévère revers militaire lié à l’accroissement de l’effort de guerre US s’appuyant sur les acteurs sunnites locaux, elle portait en germe l’EI d’aujourd’hui dont est né Jabhat al-Nusra. Les mouvements jihadistes sont incroyablement aptes à muter pour s’adapter aux circonstances. En voici une nouvelle démonstration. Jabhat Fath al-Sham va se focaliser sur le combat en Syrie parce que c’est celui qui est actuellement en cours. Le « jihad du Sham » est sa priorité, certes, mais sa priorité du moment car c’est le sujet du moment. Mais le « jihad du Sham » n’est pas une finalité. Quand il sera terminé et s’il s’achève sur l’accomplissement des buts politiques de Jabhat Fath al-Sham, l’entité mutera encore et poursuivra sur la voie du jihad, car dans son idéologie, le jihad n’est pas la libération de la Syrie mais la libération des terres d’islam  en vue de la finalité ultime : l’établissement du califat tel qu’il fut au temps de sa gloire.

Le califat omeyyade au temps de sa plus vaste étendue territoriale, en 750 de notre ère.

Al-Qaeda, que certains observateurs voient déjà mourant d’avoir perdu sa branche syrienne, remporte là un vrai succès. Un succès d’estime dans un premier temps : il a fait passer l’intérêt de l’Oumma avant celui de l’organisation, refusant les basses luttes de pouvoir qui relèvent de logiques impies. Sur ce plan, la concurrence morale avec l’EI est évidente. Quant à Jabhat Fath al-Sham, trois jours après sa fondation, il s’est lancé dans l’opération de rupture du siège d’Alep-Est par le sud-ouest, structurant l’action des éléments rebelles et prenant part aux combats les plus violents. A l’heure où ces lignes sont écrites, deux kamikazes de Jabhat Fath al-Sham ont, à la connaissance de l’auteur, contribué aux succès de cette opération : Abu Al-Baraa al-Shami et Abu Yaqub Al-Shami. Les kamikazes sont parmi les spécificités qui ont rendu Jabhat al-Nusra si incontournable pour qui, dans l’opposition syrienne armée, veut remporter des succès militaires dans des opérations de forte envergure. Depuis toujours, Jabhat al-Nusra apparait comme l’organisation que l’on soutient, qu’on l’aime ou non, car elle aide les Syriens alors que les Occidentaux les ont laissés tomber. Jabhat Fath al-Sham constitue un accélérateur dans cette démarche. Si les Occidentaux maintiennent une ligne frileuse vis-à-vis de la gouvernance de Bachar al-Assad en ménageant la Russie et l’Iran, ce qui changera, c’est que l’étiquetage al Qaeda n’étant plus là, l’on pourra fusionner avec Jabhat Fath al-Sham sans être accusé de collusion avec le terrorisme, en pouvant invoquer la bonne raison que l’on n’aura personne d’autre sur qui s’appuyer. Si les Occidentaux bombardent Jabhat Fath al-Sham en partenariat avec la Russie, Jabhat Fath al-Sham pourra alors démontrer la validité de son argumentaire initial, découlant du discours d’Ayman al-Zawahiri : « la communauté internationale vous leurre. L’étiquette Al Qaeda est pour elle un faux prétexte et elle nous bombarde en fait car elle combat l’islam authentique auquel elle préfère hukm al-tawaghit, le règne de la fausseté, qu’elle corrompt à l’envi ». Dans ce cas, la communauté sunnite locale sera, à un terme assez court, perdue pour l’Occident, et acquise en grande partie aux mouvements jihadistes, quitte à ce que ce ne soit que par dépit. Il n’y aura plus aucune raison de cacher les liens jamais rompus avec al Qaeda. Et cerise sur le gâteau, Jabhat Fath al-Sham, ou peu importe le nom qu’il aura pris alors, deviendra non seulement un pôle d’attraction de jihadistes étrangers – y compris occidentaux – encore plus puissant qu’aujourd’hui, mais aussi un solide vecteur pour l’argument « les pays occidentaux sont les ennemis de l’Islam ». Nous verrions alors combien son « focus est local », car, exploitant jusque sur notre sol son audience auprès des partisans de l’idéologie jihadiste, il nous frapperait alors par tous les moyens possibles en brandissant l’argument du talion, qui lui a jusqu’ici plutôt bien réussi… localement, depuis ses débuts dans l’insurrection syrienne. Aveuglé par l’EI, l’Occident semble amorphe face à la manœuvre en cours. Que le Département d’Etat US y voie un simple « ré-étiquetage » prépare l’inscription de Jabhat Fath al-Sham dans la liste des organisations terroristes sanctionnées par l’ONU. Mais on n’a guère vu d’analyse plus fine émaner des organismes étatiques occidentaux, et c’est fort inquiétant.

(1) It’s not you, it’s me: al-Qaeda lost Jabhat al-Nusra. And now, what? Clint WATTS  pour War On The Rocks le 29 juillet 2016 http://warontherocks.com/2016/07/its-not-you-its-me-al-qaeda-lost-jabhat-al-nusra-now-what/

(2) Jabhat al-Nusra: l’autre menace syrienne. Jean-Marc LAFON pour Kurultay.fr http://kurultay.fr/blog/?p=68

(3) Syria’s Nusra Front may leave Qaeda to form new entity Mariam KAROUNY pour Reuters, le 4 mars 2015 http://www.reuters.com/article/us-mideast-crisis-nusra-insight-idUSKBN0M00GE20150304

(4) Country Reports on Terrorism 2015, US Department of State, 2 juin 2016 http://www.state.gov/j/ct/rls/crt/2015/index.htm

(5) Traduction en anglais (et lien vers la transcription en VO) du discours Hâtons-nous en direction du Sham d’Ayman al-Zawahiri, Pieter VAN OSTAEYEN https://pietervanostaeyen.wordpress.com/2016/05/08/new-audio-message-by-ayman-az-zawahiri-hasten-to-as-sham?iframe=true&preview=true/?ak_action=reject_mobile

(6) Dawa: l’appel à l’islam, prosélytisme islamique.

(7) Ibrahim Awad Ibrahim Ali al-Badri est l’état civil d’Abu Bakr al-Baghgdadi, calife de l’EI (alias Daesh).

(8) Choura: système de consultation. Ainsi, un comité consultatif (conseil de la Choura) a vocation à administrer l’Etat.

(9) La grande mosquée al-Aqsa de Jérusalem.

(10) Traduction en anglais du discours d’Ahmad Hassan Abu al-Khayr, Pieter Van Ostaeyen, 28 juillet 2016 https://pietervanostaeyen.com/2016/07/28/janhat-an-nusra-audio-message-by-shaykh-ahmad-hassan-abu-al-khayr/

(11) Vidéo de l’allocution du 28 juillet 2016 d’Abu Muhammad al-Joulani annonçant la fondation de Jabhat Fath al-Sham, VO sous-titrée en anglais, sur la chaîne Youtube d’Orient News. https://www.youtube.com/watch?v=oossAtDYbrs

(12) Orient News est une chaîne de télévision fondée par l’homme d’affaires et journaliste syrien Ghassan Abboud, opposant à Bachar al-Assad. Elle émet depuis Dubaï, aux Emirats Arabes Unis.

(13) On ne peut appréhender pleinement ce propos sans le mettre en perspective avec l’histoire de Jabhat al-Nusra, et notamment son rôle de vengeur et de protecteur de la communauté sunnite de Syrie depuis l’attaque au sarin de Ghouta sur fond d’inaction internationale.

(14) C’est à ce stade que les termes « notre peuple » et « notre terre » d’Ahmad Hassan Abu al-Khayr, Naïb d’Al-Zawahiri, prennent toute leur saveur.

(15) SWT étant l’abréviation de Sobhanahou Wa Taala : »Glorifié et exalté soit Il ».

(16) Pour un panorama des groupes armés les plus significatifs de l’oppostion syrienne outre Jabhat al-Nusra et l’Etat Islamique, voir : Syrian Armed Opposition Powerbrokers, Jennifer CAFARELLA & Genevieve CASAGRANDE  pour l’Institute for the Study of War http://www.understandingwar.org/report/syrian-armed-opposition-powerbrokers

(17) Veteran Egyptian jihadist now an al Qaeda leader in Syria, Thomas JOSCELYN pour The Long War Journal, 21 mars 2016 http://www.longwarjournal.org/archives/2016/03/veteran-egyptian-jihadist-now-an-al-qaeda-leader-in-syria.php

(18) Turkistan Islamic Party leader criticizes the Islamic State’s ‘illegitimate’ caliphate, Bill Roggio & Thomas JOSCELYN pour The Long War Journal, 11 juin 2016 http://www.longwarjournal.org/archives/2016/06/turkistan-islamic-party-leader-remains-loyal-to-al-qaeda-criticizes-islamic-states-illegitimate-caliphate.php

A propos Jean-Marc Lafon

Cofondateur du think-tank Action Résilience. Fondateur et webmaster de Kurultay.fr. Observateur des mouvements jihadistes, du terrorisme et des conflits au Proche-Orient, au Moyen-Orient et en Afrique. Veille et analyse. Audit et consulting en prévention des tensions politiques, religieuses et de la radicalisation. Spectateur engagé (clin d’œil à Raymond Aron) du cours des planètes en général, et de la nôtre en particulier. Twitter: @JM_Lafon
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2 réponses à Al Qaeda a-t-il perdu sa branche syrienne?

  1. Jeb dit :

    Bonjour Monsieur

    Je salue votre article et réflexion.
    En lisant la citation ci-dessous, je crains que nous (les « occidentaux ») ayons déjà raté le coche, et que le futur n’est plus de mise.
    « Dans ce cas, la communauté sunnite locale sera, à un terme assez court, perdue pour l’Occident, et acquise en grande partie aux mouvements jihadistes, quitte à ce que ce ne soit que par dépit. »

    En effet, l’argumentaire des soutiens occidentaux à la révolution syrienne est passé de:
    -Pour sauver la population Sunnite Syrienne du génocide du régime, il n’y a pas le choix, il faut accepter la présence d’Ahrar Al Sham au sein de la Rebellion. Il faut espérer qu’ensuite celui-ci sera marginalisé (d’une façon ou d’une autre) dans une future Syrie libérée de Bachar.
    à:
    -Pour sauver la population Sunnite Syrienne du génocide du régime, il n’y a pas le choix, il faut accepter la présence de Jabhat Fath al Sham au sein de la Rebellion. Il faut espérer qu’ensuite celui-ci sera marginalisé (d’une façon ou d’une autre) dans une future Syrie libérée de Bachar.

    Bref, comme une « twitteuse » connue de vous, le faisait remarquer : « tans pis pour Al Quaida, il faut aider les Rebelles. »

    Dans la balance nous avons aujourd’hui:
    -soutenir les rebelles et sacrifier peut-être quelques minorités, et avoir encore des attentats sur notre sol (car la haine des Jihadistes trouvera toujours un nouveau prétexte jusqu’à notre conquête)
    -soutenir le régime, sacrifier la majorité et avoir aussi (c’est important) des attentats sur notre sol (par la plupart de ceux qui rentreront)

    La réponse ne peut qu’être cynique et ignoble, avec une adition salée (en hémoglobine si j’ose dire) pour le peuple français et l’occident.

    Pour conclure quelque soit le camp que l’on souhaite voir gagner, au final on soutient indirectement par jeux d’alliances, un mouvement terroriste ayant du sang français/occidental sur les mains.
    -Hezbollah
    -Al Quaida
    -PKK

    Je vous encourage à continuer vos écrits même si c’est dépriment.

    Merci encore
    Salutations

  2. Onate dit :

    Bonjour,

    Tu résume là, avec beaucoup de détails, un fait que les Occidentaux font semblant de ne pas comprendre.

    En Orient, on gère le problème de l’instant par l’adaptation à la situation de l’instant pour aller vers un objectif lointain qui doit être atteint est qui est toujours l’objectif final de l’action de l’instant… même et surtout lorsque l’on annonce en avoir changé.

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