La situation en Syrie au 20 février 2016

Dans un précédent billet, J’ai décrit et analysé au 25 octobre 2015 l’offensive diplomatique russe qui avait suivi l’échec initial de son implication directe dans le conflit.

En cette fin février 2016, et alors que les évènements se précipitent et se complexifient, il n’est pas inutile de revenir sur les évolutions de la fin d’année 2015 et les perspectives pour le premier semestre 2016.

Il est inutile de cacher que ces perspectives sont sombres pour la Syrie et surtout ses populations locales.

Rappel de la situation à l’automne 2015 :

Le 30 septembre 2015, l’aviation russe annonce qu’elle entame des bombardements en Syrie. Officiellement dirigés contre l’Etat islamique, les bombardements russes visent en réalité pour leur plus grande part la rébellion syrienne (jihadiste comme celle dite « modérée » de l’Armée syrienne libre – ASL).

Le premier objectif de Moscou est d’abord de soutenir le régime d’Assad, en mettant fin à la succession de défaites subies depuis la fin 2014 par les troupes loyalistes.

A partir du 6 octobre 2015, les forces au sol du régime lancent une succession d’offensives sur la portion la plus importante du territoire de la Syrie « utile » tenu par les rebelles. Les offensives sont déclenchées d’abord dans la plaine de Ghab (1), puis au nord de Hama (2), puis au nord de Homs (3).

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Pour contrer cette succession d’offensives, la rébellion syrienne (principalement les groupes rattachés à l’ASL) a été équipée en abondance de missiles antichars filoguidés qui font un carnage contre les blindés et tanks du régime, particulièrement dans la plaine au nord de Hama où après une semaine de lente progression, les rebelles contre-attaquent, reprenant le terrain perdu et même parfois repoussant les unités au-delà de leurs lignes de départ.

Les Américains et leurs alliés ont mis en place un système exigeant de vérification des groupes auxquels ils ont fourni des missiles (principalement de type TOW) la preuve qu’ils les ont utilisés. Les vidéos se multiplient donc afin de prouver que ces armes n’ont pas été livrées aux groupes jihadistes. Signalons immédiatement qu’en réalité, les jihadistes, dont les groupes rattachés au front al Nosra (Al Qaida) sont étroitement mêlés sur le terrain à la rébellion de l’ASL dite « modérée ».

Le décompte de ces vidéos montre que sur le mois d’octobre, 140 missiles ont été lancés, ce qui implique la destruction de plus d’une centaine de blindés, dont de nombreux tanks.

Malgré l’engagement intensif de l’aviation, et le lancement dès le 07/10 de missiles de croisière, cette première séquence est donc un échec pour la Russie, les troupes loyalistes n’ayant obtenu que des gains très réduits à un prix très élevé.

Il semble que les Russes espéraient emporter la décision par un engagement limité et fortement médiatisé, renversant le moral des deux camps et remettant le régime sur le chemin de la victoire militaire. Les rebelles, grâce au soutien matériel des Occidentaux et de leurs Alliés (Turquie, Qatar…) ont su prendre les contre-mesures pour bloquer ce premier effort.

Pire, à l’occasion de ces combats, l’ASL démontre à ceux qui doutaient même de son existence sa réalité, marquant des points grâce à ses succès sur les groupes jihadistes, qui vont donc se mêler encore plus étroitement encore aux groupes qualifiés de « modérés ».

Les changements de stratégie des Russes :

Très rapidement, dès la mi-octobre, la Russie modifie sa stratégie et engage une action globale particulièrement pertinente dans quatre domaines complémentaires :

  • Une offensive diplomatico-médiatique pour mettre la pression sur les USA et leurs alliés afin qu’ils réduisent leur soutien aux groupes rebelles en jouant sur l’imbrication étroite des jihadistes, dont les forces d’Al Qaida en Syrie (front al Nosra) au sein de l’ASL
  • Une reprise en main des forces loyalistes, qui ont démontré leur incapacité à gagner au sol : les conseillers russes reprennent en main les unités et modifient les tactiques ; les assauts sont désormais lancés par l’infanterie avec des bulldozers blindés, et les blindés restent en arrière en appui-feu afin de limiter leur exposition aux missiles antichars.
  • Un renforcement des effectifs d’infanterie grâce aux milices, principalement chiites, levées et armées par l’Iran pour défendre le régime de Damas : déjà déployés à l’est de Damas (Hezbollah) et à Alep, les milices chiites d’obédience iraniennes (recrutées en Iran mais aussi en Iraq ou parmi les réfugiés Afghans) sont renforcés par des unités IRGC (les Pasdaran) et des groupes du Hezbollah, et sont engagées sur tous les fronts ; elles apportent aux forces loyalistes diminuées un apport vital en nombre.
  • Un changement de ciblage de sa campagne aérienne :

La campagne aérienne russe est au départ concentrée sur des cibles militaires (dépôts, camps d’entraînement, transports, QG, assassinats de leaders…), mais elle va être étendue à d’autres cibles. Les forces aériennes sont augmentées puisque les Russes comptent désormais plus de 55 jets, auxquels il faut ajouter l’engagement de leurs bombardiers stratégiques à partir de bases dans le Caucase. Les hélicoptères sont rapprochés du front vers Homs (une troisième base sera installée à l’est de Homs directement contre l’EI).

A partir du mois de novembre, les frappes russes visent sans états d’âme des cibles civiles, et plus particulièrement les équipements nécessaires à la vie quotidienne des populations : hôpitaux, centrales électriques, eau potable, écoles et boulangeries. Plus largement, l’aviation russe s’associe à l’aviation syrienne pour bombarder avec des bombes à sous-munitions particulièrement meurtrières les habitations des villes. Même les campements de fortune en pleine campagne, et loin de tout objectif militaire, des civils fuyants les villes détruites sont attaqués.

Les premières frappes aériennes russes contre des Hôpitaux sont notées à partir du 15/10 (une par jour cette semaine-là dont le 16/10 contre l’hôpital al-Hadder, l’un des plus importants au sud d’Alep). Ces frappes n’ont pas été dénoncées comme celle de l’hôpital MSF de Kunduz en Afghanistan (le 03/10), ce qui montre la puissance des groupes d’agit’prop pro-russes (il est vrai que les frappes saoudiennes contre des hôpitaux au Yemen sont aussi passées sous silence dans les médias).

Avec le recul, le plan russe vise donc à priver les rebelles de leurs bases populaires, en transformant les zones de résistance en déserts démographiques. Les groupes rebelles sont privés de leur ressource humaine, tandis que le flot des réfugiés vers le Liban et la Turquie augmente encore. Les réfugiés fuyant vers les pays voisins puis l’Europe accentuent la pression pour une solution négociée et rapide, pour laquelle la Russie est incontournable.

Le 20/10, Bashar el-Assad effectue un voyage surprise à Moscou pour rencontrer Poutine. Ce voyage sur un appareil russe est organisé dans l’urgence, et nous serons plus tard quel a été son impact sur les opérations. Il est possible que les Russes aient eu des difficultés à « convaincre » Damas de la nécessité de réorganiser ses forces sous une supervision étroite russe, et de changer de stratégie sur le terrain.

Malgré quelques contretemps ponctuels, cette nouvelle stratégie va déboucher sur un succès complet.

Les effets de la nouvelle stratégie russe en Syrie :

D’abord, si les USA ont autorisé la livraison de missiles antichars, aucune arme antiaérienne, comme des missiles sol-air n’a été livrée aux rebelles. Ces missiles, beaucoup plus fragiles, seraient pourtant l’arme idéale pour annuler les effets de la supériorité aérienne des loyalistes. Mais les risques d’escalade si des appareils russes étaient abattus (et leurs équipages tués ou capturés par des jihadistes) par des missiles américains (comme le fameux Stinger) ont amenés Washington à définir une « ligne rouge » qui a privé les rebelles des moyens de lutter face aux moyens engagés par la Russie pour défendre le régime de Damas.

De plus, les USA annoncent le 12/10 la création d’une nouvelle force syrienne multiconfessionnelle, les FDS (Forces Démocratiques Syriennes ou SDF -Syrian Democratic Forces), étroitement liée aux Kurdes, et qui bénéficie immédiatement d’un flot de livraison d’armes.

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Cette création est confirmée sur le terrain mais le lien entre les Kurdes du YPG et les FDS font qu’à l’époque il est difficile d’y voir une véritable force capable de peser sur le terrain.

Les FDS sont composées à cette date de milices très variées, assemblées autour du YPG qui fournit le gros des forces : YPG, YPJ, Syriac Military Council (MFS), Al- Sanadid Forces, Jaysh al-Thuwwar Raqqa, Burkan al-Firat, Syrian Arab Coalition, Shams al-Shamal, et Jahbat al-Akrad.

Outre une large majorité kurde, on compte un groupe Assyrien, Syriaque et Turkmène et aussi quelques Sunnites. Cette alliance correspond d’abord à des « partenariats » anciens sur le terrain, comme par exemple Shams al-Shamal (groupe de milices qui a déjà combattu à Hassaké du côté des Kurdes, mais qui émane du Liwa al-Tawheed, qui a combattu l’YPG aux côtés de l’EI). Mais il y a aussi des ralliements plus récents comme la milice Jaysh al-Thuwwar, qui faisait partie de l’ASL et combattait à la fois l’EI et les forces loyalistes, avant de quitter l’ASL par opposition aux jihadistes d’Al Nosra et d’Ahrar al-Sham (groupe de rebelle jihadiste très puissant salafiste soutenu par le Qatar).

Le flot de matériel livré par les USA est donc réparti entre les SDF et l’ASL.

L’action diplomatique et médiatique russe bénéficie de l’effet des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, comme des compromissions de plus en plus flagrantes de l’ASL avec les jihadistes les plus extrémistes, dont le front Al Nosra, qui imposent par exemple la Sharia dans les zones contrôlées autour d’Idlib ou dans la région d’Alep.

Les pressions diplomatiques russes sont efficaces puisqu’elles provoquent un arrêt des fournitures de missiles antichars aux groupes de l’ASL en décembre 2015 (sur un délai que l’on peut évaluer à plus de 4 semaines, qui va se révéler décisif). Alors que pour le mois d’octobre plus de 140 missiles antichars ont été tirés par les groupes de l’ASL, ce chiffre tombe à 73 en novembre, et 49 en décembre surtout au début du mois (il n’y aura même aucun missile du 1er au 12 janvier 2016).

Sur le terrain – nouvelles offensives autour d’Alep :

Il faut revenir en arrière pour décrire les opérations autour d’Alep : au mois d’octobre, apparaissent les prémisses d’une offensive dans le secteur par les forces loyalistes.

Cela commence le 09/10 lorsque l’EI attaque et repousse les rebelles, avant de céder le terrain conquis (dont l’académie militaire) face à une attaque des troupes loyalistes. Puis dès le 10/10, l’unité d’élite du régime de Damas, la brigade Tigre, entame sa progression vers la base aérienne de Kweires encerclée depuis deux ans. Enfin au sud d’Alep, les chiites lancent plusieurs coups de sonde dans les défenses rebelles, qui sont repoussés.

Mais c’est le 16/10 qu’est déclenchée la grande offensive au sud d’Alep, annoncée depuis plusieurs jours. Les stratèges russes et iraniens ont effectué là une concentration de forces importantes : outre les forces loyalistes, l’Iran aurait amené à Alep plus de 7000 combattants :

  • Al-haydareyeen Iraqis Forces (2000 combattants),
  • Fatimids Afghan forces (2000 combattants),
  • the Iranian Revolutionary Guards Corps (2,000 combattants)
  • et un corps d’élite du Hezbollah (1000 combattants).

Ces forces sont soutenues par les frappes aériennes russes et un appui d’artillerie très important, et s’élancent sur plusieurs axes vers l’ouest et le sud.

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Jusqu’au 31/10, les offensives au sud d’Alep et vers Kweires progressent lentement.

Pire, à partir du 26/10, l’EI lance ses propres offensives : une coupe la seule route terrestre reliant encore Alep à Hama isolant les forces du régime à Alep, et une autre prend provisoirement al-Safirah, menaçant de prendre à revers les troupes d’élites de Damas qui progressent vers Kweires. Les forces aériennes russes s’engagent alors intensivement, tandis que les milices iraniennes contre-attaquent, suspendant temporairement leur effort contre les rebelles, afin de rétablir la situation (le QG rebelle d’Alep est détruit par un raid le 28/10).

L’offensive surprise de l’EI dans le secteur de Hama a été coordonnée avec une attaque des rebelles jihadistes. Ce fait, passé relativement inaperçu à l’époque, montre aux Occidentaux qu’il existe des risques sérieux de collusion entre les rebelles jihadistes, alliés à l’ASL soutenue par les USA, et l’EI.

Une fois la situation rétablie, les forces pro-Assad relancent leur effort au sud d’Alep.C’est entre le 31/10 et le 03/11 que le front rebelle au sud d’Alep s’effondre. Les forces loyalistes conquierent rapidement un terrain important (il s’agit en majorité de milices chiites iraniennes, très peu de forces syriennes sont présentes dans le secteur contrairement à l’offensive vers Kweires qui est principalement syrienne).

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(une carte montrant la percée effectuée le 03/11).

Le poids des effectifs et du soutien en artillerie et en frappes aériennes a amené une rupture du front. La route principale M5 qui relie Alep–Idlib–Hama–Homs et Damas, est menacée puis temporairement coupée le 13/11 (à hauteur d’une ferme ICARDIA).

Au même moment, le siège de la base de Kweires est levé par les forces syriennes. Cette base aérienne au nord était assiégée depuis 2 ans, et le sauvetage des forces encerclées qui la défendaient a un immense impact moral pour les partisans du régime d’Assad. L’EI qui encerclait la base est définitivement repoussé le 16/11, tandis que rapidement des appareils syriens se posent sur la base pour marquer symboliquement la victoire (et rendre caducs tous les espoirs d’une No-Fly zone sur le nord de la Syrie, espoirs encore nourris par l’Allemagne par exemple).

Au sud d’Alep, les rebelles se sont repris à partir du 21/11 et lancent une contre-offensive qui n’abouti à rien d’autre qu’à stabiliser le front.

Le 8 décembre, une nouvelle offensive est lancée (la 3ème) par les forces pro-Assad qui aboutit à un nouveau succès avec la prise de la ville stratégique de Khan Tuman au sud d’Alep le 20 décembre.

La zone au sud d’Alep est celle où le régime a remporté à la fin de l’année 2015 son plus grand succès, avec la conquête de plusieurs centaines de km2 de terrain, et une vingtaine de villages, la plupart vides et ruinés.

Des évènements internationaux importants autour du conflit :

Plusieurs évènements à signaler autour du conflit qui vont peser sur l’évolution de la situation Syrienne au début de 2016 :

D’abord les attaques de l’EI à Paris du 13/11, qui comme cela a été précisé, vont amener la France à modifier substantiellement sa position diplomatique : jusque-là mobilisée d’abord pour faire chuter le régime de Bachar el-Assad, Paris évolue en faisant de l’EI sa priorité, quitte à laisser en place le dictateur syrien, surtout qu’il reste solidement soutenu par l’Iran et la Russie (qui bloquent depuis la fin 2013, avec une régularité constante toute résolution de l’ONU défavorable à Damas).

Le 24/11, les Turcs abattent en vol un Su-24 russe, causant la mort d’un pilote russe, l’autre étant récupéré rapidement. Un hélicoptère est détruit par les rebelles lors des opérations de sauvetage (il s’agit des premières pertes des forces aériennes russes en Syrie).

La tension augmente immédiatement entre la Turquie et la Russie, ce qui aggrave les risques d’extension du conflit.

Cet incident va amener les Russes à se rapprocher des Kurdes du YPG, qui s’étaient déjà alliés aux forces du régime (lors de combats sporadiques dans Alep ou à Hassaké), ce qui nous le verrons aura des effets directs sur les évènements de février 2016.

A cette occasion, les USA vont clairement se désolidariser de la Turquie, qui se retrouve isolée et contrainte à faire profil bas.

Enfin, le 2 janvier, l’Arabie exécute un dignitaire chiite, ce qui est vécu comme une provocation par l’Iran et déclenche un incident diplomatique majeur entre Téhéran et Riyad après l’incendie de l’ambassade d’Arabie saoudite en Iran.

Le début de l’année 2016 :

Malgré des échecs répétés depuis octobre 2015, les opérations n’ont jamais cessé dans le secteur de Lattaquié, et ont même été relancées après l’incident aérien turco-russe du 24 novembre, mais les forces loyalistes piétinent. Le terrain très montagneux favorise la défense, et les rebelles, bien soutenus par les Turcs, contre-attaquent régulièrement.

Reprises en main par les Russes, et renforcées par des milices iraniennes, les forces loyalistes relancent leur offensive à la fin décembre, avec la capture définitive des monts Jabal Al-Nuba. Mais la progression reste bloquée par la résistance rebelle dans la ville de Salma, qui fixe tout le front. La ville tombe le 13/01 et à partir de cette date, la progression est rapide, les rebelles étant repoussés vers la Turquie ou Jisr al Shoughour.

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C’est en réalité l’ensemble de la zone rebelle au nord de la Syrie qui commence à craquer, soumise aux bombardements incessants de l’aviation russe. Les civils fuient partout tandis que les groupes rebelles se divisent, alors qu’ils sont affaiblis par le tarissement brutal de l’approvisionnement en armes provenant des USA.

Au début de l’année 2016, l’aviation russe donne l’ascendant tactique et l’initiative stratégique aux forces loyalistes contre les rebelles, tandis que l’EI observe la situation sans pouvoir en profiter.

Les populations souffrent tragiquement de la guerre et le flot de réfugiés continue de transformer le pays en désert démographique. Les civils dans les zones rebelles fuient en masse, mais les réfugiés viennent aussi des zones tenues par les loyalistes. Aux bombes lancées des avions s’ajoutent les roquettes (dont des roquettes thermobariques russes), les armes à sous-munitions dont les effets sont terribles, ainsi que les attentats aveugles aux véhicules piégés qui frappent aveuglément les villes tenues par le régime.

Au sud de la Syrie, où les rebelles tiennent aussi une zone entre le Golan et la frontière jordanienne, les forces loyalistes progressent aussi (prenant par exemple Sheikh Maskin). Au centre, les enclaves rebelles à l’est de Damas comme au nord de Homs subissent les coups portées par les forces pro-Assad, même si les gains restent pour l’instant limités.

L’action internationale se borne à tenter de ravitailler les nombreuses enclaves des deux camps, assiégées et affamées par des belligérants de plus en plus impitoyables, alors qu’un hiver rude s’installe dans la région.

Le premier succès stratégique au nord d’Alep :

Le 1er février 2016, les forces pro-Assad lancent une offensive foudroyante au nord d’Alep pour lever le siège de la zone de Nubl et al-Zahra, assiégée depuis 2 ans. Contrairement aux autres offensives, cette opération est lancée avec des troupes syriennes réorganisées et étroitement encadrées par les Russes (toujours renforcées par les milices iraniennes qui fournissent le nombre qui manque à l’armée de Damas).

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Attaquant une plaine bombardée en permanence depuis 4 mois, le succès est immédiat. Dès le 3 février, le siège est levé et ce sont les rebelles qui sont coupés en deux : une partie repoussée vers le sud et une partie prise au piège dans ce qui devient la poche d’Azaz.

Le 4 février, profitant de la faiblesse des rebelles, les Kurdes de l’YPG et les rebelles du FDS lancent, avec l’appui aérien russe (et le soutien matériel US) une offensive qui capture la partie nord de la poche d’Azaz.

Le 8 février, la base aérienne de Menagh tombe aux mains des Kurdes et menacent bientôt Azaz. La Turquie s’engage le 13 février en commençant des bombardements d’artillerie lourde depuis la frontière sur les positions Kurdes, afin de protéger le dernier bastion rebelle, tandis que des dizaines de milliers de civils sont bloqués à la frontière.

La situation au 20 février :

Sur le terrain, la situation semble se stabiliser. Il faut s’attendre à de nouvelles offensives des forces pro-Assad qui profitent de la supériorité aérienne et numérique, pour reconquérir le terrain.

Malgré les engagements et les déclarations des uns et des autres, les efforts dirigés directement contre l’EI sont encore réduits : les pro-Assad élargissent la zone autour de Kweires, cherchant à menacer al-Bab (ils viennent d’annoncer avoir encerclé des forces de l’EI au sud-ouest de Kweires, mais ce n’est pas confirmé à ce jour). Les Kurdes du YPG et les FDS ont obtenu des succès dans le nord de la Syrie, avec la prise du barrage de Tishrin à la fin décembre 2015, et menacent Manbij sans parvenir à progresser.

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(carte comparant les positions Kurdes et EI le 24/12 et en janvier 2016 après l’offensive);

Au dernières nouvelles, les Kurdes et les FDS ont lancé une nouvelle offensive dans le secteur de Hassaké contre Saddadi, qui est une position stratégique essentielle pour l’EI puisqu’elle coupe l’une des liaisons entre la Syrie et Mossoul.

De même les forces pro-Assad tentent avec un encadrement étroit et les premières troupes au sol russes engagées, de progresser vers Taqba.

La prise de Saddadi ou Taqba aurait pour effet de couper en deux les possessions de l’EI, isolant une portion importante des forces jihadistes et surtout fermant le dernier passage avec la Turquie.

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(carte des perspectives stratégiques au nord – via @evil_SOC)

Perspectives et questions pour 2016 :

La Russie a atteint ses objectifs à court terme, mais les moyens utilisés: bombardements aveugles contre les civils, emploi de milices chiites étrangères… peuvent lui aliéner durablement les populations.

A terme, il n’est pas sûr que le succès militaire remporté depuis novembre parvienne à rétablir le pouvoir de Damas sur la Syrie.

Loin d’être le bouleversement stratégique définitif décrit par certains, les succès actuels remportés par Damas, grâce à de gros investissements de Téhéran et de Moscou, restent fragiles et relèvent plus d’une « oscillation » : la série de succès limités qui profitaient à un camps s’est inversée à la manière d’un courant alternatif. De telles oscillations ont déjà eu lieu dans le conflit depuis 2011, sans que la guerre ne cesse pour autant.

Il est probable – mais non certain – que les intérêts stratégiques de la Russie et de l’Iran vont continuer à correspondre durablement, permettant aux deux pays de déployer leurs efforts dans une cohérence qui fait défaut du côté des Occidentaux et de leurs alliés locaux.

En revanche, la complaisance russe à l’égard d’Israël (qui frappe avec régularité les forces syriennes sans opposition des Russes), et le soutien aux Kurdes (dont l’agenda est différent de celui de Damas), risquent de ne pas être tenables longtemps.

Enfin, la Russie suit cyniquement une stratégie cohérente depuis le début, même si cela l’amène à des actions blâmables du point de vue de l’éthique ou du droit international (pas moins de 27 hôpitaux ont été détruits par les avions russes). Reste à savoir si la défense de ses intérêts économico-stratégiques passent inéluctablement par le maintien au pouvoir de Bachar el-Assad. Il n’est pas impossible qu’une fois avoir assuré sur le terrain ses intérêts, et pris une place incontournable en Syrie, Moscou soit amené à sacrifier le dictateur afin de créer les conditions d’un désengagement militaire nécessaire pour éviter un enlisement coûteux.

Les Etats-Unis mènent en apparence une stratégie peu lisible, avec notamment les combats en cours entre deux factions qu’ils ont armés et entraînés (FDS contre ASL). Mais en réalité, les évènements de février 2016 ont permis de résoudre une équation qui était devenue insoluble : celle du soutien d’une rébellion de moins en moins « modérée » aux yeux des Occidentaux, l’ASL étant de plus en plus étroitement imbriquée avec des groupes jihadistes dont ceux d’Al Nosra.

Constatant leur échec avec l’ASL, trop divisée et trop fortement liée sur le terrain avec les jihadistes, ils ont abandonné un soutien encombrant pour basculer leur effort vers une nouvelle force qu’ils ont réussi à faire émerger, les FDS, qui rallient les groupes de l’ASL véritablement « modérés ».

Les opérations en février 2016 au nord d’Alep ont ainsi eu pour effet de « séparer  le bon grain de l’ivraie », en isolant les jihadistes et tous les groupes « rebelles modérés » trop proches d’eux, qui sont sacrifiés sans hésitations s’ils ne se rallient pas aux FDS.

C’est ainsi qu’en s’entêtant aveuglément à exiger l’extension du cessez le feu convenu entre USA et Russie (et pour l’instant lettre morte) aux groupes jihadistes affiliés à Al Qaida, l’ASL est piégée dans une situation impossible : renoncer au soutien occidental et mourir, ou se retourner contre les rebelles jihadistes (qui sont plus forts qu’elle), et mourir aussi…

En clair, les USA ont habilement utilisé les Russes pour détruire les éléments indésirables de la rébellion, en sacrifiant une partie des forces qu’ils ont entraînées.

Mais cette oscillation présente un inconvénient: remplacer dans le rôle de « l’allié encombrant », les jihadistes adeptes de la Charia (voire affiliés à Al Qaida) par les Kurdes du YPG, dont les Turcs ne veulent pas.

Plusieurs questions sont donc posées, qui vont déterminer l’avenir :

Les USA ont-ils les moyens de forcer les Turcs à accepter un succès YPG – FDS ?

Il est probable que c’est le cas, mais le plus dur reste à faire face à un gouvernement turc mis sous forte pression. La Turquie a annoncé vouloir intervenir au sol pour combattre les Kurdes du YPG, mais avec le soutien des USA. Elle aurait alors l’appui des Saoudiens et Qataris. Elle peut décider à tout moment de mettre sa menace à exécution, par exemple en profitant de la période électorale qui s’ouvre à Washington. La confrontation directe avec la Russie serait de plus en plus difficile à éviter avec d’énormes risques de déflagration majeure aux portes de l’Europe.

Il n’est ainsi pas innocent que les monarchies du Golfe annoncent leur intention de livrer aux rebelles des précieux missiles sol-air.

Les FDS seront-ils légitimes dans un pays qu’ils n’ont pas défendus pour « remplacer » l’ASL ?

Combien de temps Kurdes et rebelles FDS s’abstiendront-ils d’affronter les forces pro-Assad ?

Il est intéressant de relever que les groupes rebelles sunnites qui se rallient au FDS sont opposés aux pro-Assad. L’alliance objective sur le terrain avec les forces loyalistes a donc peu de chances de tenir longtemps. Il n’est pas innocent que Damas qualifie aujourd’hui les milices kurdes du YPG (alliés au FDS) d’unités gouvernementales.

Toutes ces questions sont déterminantes pour la suite de la guerre en Syrie. Dans tous les cas l’avenir dépendra surtout de la capacité des différents camps à lutter avec succès contre l’EI, ennemi de tous mais dont la force de résistance n’a pas été sérieusement entamée à ce jour.

En attendant, les populations syriennes sont les seules victimes de ce conflit dont la durée est rallongée par des interventions extérieures qui ne font que commencer. La Syrie est en train de devenir un désert démographique, mais aussi un terrain d’essai, mis à profit par toutes les puissances exportatrices d’armes (à commencer par Russie et USA) pour effectuer des démonstrations « grandeur nature », au plus près des clients potentiels.

En conclusion, le flot des réfugiés syriens (dont une majorité de femmes et d’enfants, livrés seuls aux dangers des réseaux vers l’Europe) n’est pas prêt de se tarir, entraînant avec lui des risques de déstabilisation de tous les pays frontaliers, et d’extension d’une guerre qui n’est plus seulement une guerre civile, mais bien une guerre régionale.

Avertissements :

Les cartes présentées à titre d’illustration peuvent donner une image fausse de la situation sur le terrain. Les fronts ne sont pas continus, et les terrains sont rarement contrôlés en permanence comme peut le laisser penser l’emploi de couleurs « à plat ». En réalité, chaque groupe concentre ses moyens dans les villages, le long des routes ou sur des positions d’importance (dépôts, carrefour, etc). La situation est donc très fluide et les fronts sont « poreux ». Pour autant ces cartes permettent de visualiser les grandes tendances des opérations.

Enfin, les analyses sur la situation syrienne sont toutes frappées d’une obsolescence programmée très brève, eu égard aux enchaînements rapides des évènements. Ce billets a été écrit le 20 février à 17 heures, et il présente donc une analyse à cet instant, sans présumer de ce qui peut suivre.




Daech sur la défensive en France ? analyse du dernier Dar al Islam – février 2016

Dans la nuit du 6 au 7 février 2016, l’EI a diffusé le dernier numéro (le Nr. 8) de sa revue officielle en français, Dar al Islam que nous allons décortiquer en détail car elle se révèle très instructive et donne un point de vue différent sur la situation du jihadisme en France, laissant même penser que l’EI est sur la défensive en France à la suite des attentats du 13 novembre 2015.

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Qu’est-ce que le magazine Dar al Islam ?

C’est au mois de décembre 2014 que l’EI s’est doté d’un magazine francophone de propagande, baptisé Dar al-Islam conçu depuis son sanctuaire iraquien par une équipe de jihadistes d’origine française.

Cette création suit en réalité celle d’une première revue en anglais, Dabiq[1], qui est l’un des outils de propagande et de communication de l’EI parmi les plus visibles dans le monde[2].

D’une conception qui cherche à paraître professionnelle, Dar al Islam émane de rédacteurs anonymes, qui ont, semble-t-il, beaucoup varié depuis les premiers numéros[3].

Avec en couverture le titre « attentats sur la voie prophétique « , le dernier numéro de la revue marque une modification importante par rapport aux précédents. L’ampleur et la nature de cette évolution nous livrent un grand nombre d’informations précieuses et éclairantes sur la stratégie de l’EI à l’égard de la France, ainsi que sur le positionnement des francophones au sein du mouvement en Iraq. L’analyse de ce document est donc indispensable pour comprendre et trouver des contre-mesures efficaces à la menace terroriste contre la France.

Le numéro 8 de Dar al Islam :

Relevons tout d’abord qu’avec 114 pages, ce magazine est considérablement plus volumineux que les précédents. Les deux premiers numéros avaient 15/14 pages puis la pagination a augmenté régulièrement pour se stabiliser à partir du numéro 6 à 57/58 pages.

Le numéro 8 a donc doublé, avec plus de 100 pages, ce qui lui donne un volume exceptionnel[4], signe d’un effort de communication important de l’EI à l’égard des francophones.

Le sommaire du magazine peut être résumé ainsi :

  • éditorial : c’est le seul moment où les rédacteurs du magazine critiquent la réaction du gouvernement français aux attaques du 13 novembre. les communicants de l’EI se permettent ainsi de critiquer l’état d’urgence en termes durs et surprenants : « des perquisitions totalement arbitraires, des assignations à résidence aux effets contreproductifs et une surveillance de masse qui tourne à la politique totalitaire… » (sic)
  • le dossier principal du magazine « attentats sur la voie prophétique », présente au lecteur un argumentaire volumineux (35 pages) qui a 2 objets : justifier, presque « excuser » les attaques du 13 novembre du point de vue de la religion et du droit musulmans vus par les jihadistes de l’EI ; réfuter et argumenter contre les avis unanimes rendus par les autorités musulmanes françaises qui ont condamné vigoureusement ces crimes (le CFCM, l’UOIF, les salafistes, la grande mosquée de Paris, les Etudiants musulmans de France, plusieurs imams français…) ; Après avoir posé ce cadre argumentaire (avec par exemple pas moins de 7 « ambiguïtés » critiquées), les rédacteurs promettent une deuxième partie dans le prochain Dar al Islam, annoncée comme une « étude de cas » de ces justifications appliquées aux attaques du 13 novembre.
  • 3 testaments de kamikaze du 13 novembre 2015 répartis tout au long du magazine (Abdelhamid Abaaoud, Samy Amimour et Bilal Hadfi)
  • un article plus proche du contenu habituel du magazine (en réalité la traduction d’un article paru dans le Dabiq13) sur les chiites, que l’EI cherche à assimiler aux juifs, et aux adorateurs du démon (le Dajjal pour les jihadistes[5]).
  • « comment connaître la vérité » qui présente différents éléments censés être les « obligations de vie » de tout musulman et qui obéiraient aux règles de l’EI ; là encore un contenu de propagande habituel dans ce magazine.
  • Un article rédigé par la veuve d’un membre de l’EI d’origine franco-algérienne, qui a quitté la France (Roubaix) pour l’Iraq et qui est mort dans des circonstances non précisées, après avoir combattu comme sniper sur différents fronts.
  • Une interview d’un chef de l’EI en Afghanistan et au Pakistan (Wilayat du Khurasan), traduction d’un article paru dans le dernier Dabiq (Nr. 13).
  • Un reportage photo sur les auteurs des attentats du 13 novembre (photos prises lors du tournage d’une vidéo de propagande ultraviolente tournée en Syrie et diffusée en janvier 2016) – avec des images insoutenables à l’esthétique morbide.
  • Les rubriques habituelles « L’EI dans les mots de l’ennemi« (reprise de mon billet sur la menace terroriste en France en 2016, avec un « appareil critique » fourni sous la forme de NDLR commentant et critiquant mes analyses et projections) et « nouvelles de l’EI » (propagande habituelle sur les opérations militaires et les attentats de l’EI).

La structure du magazine :

Une analyse de la structure et du contenu de ce magazine permet d’identifier les inflexions, les méthodes et objectifs de la propagande de l’EI à l’égard de la France.

Pour étudier ce numéro, j’ai d’abord établi 8 catégories d’articles différentes, sur la base de critères basés sur leur contenu et leur objectif en tant que mode de propagande. Il faut rappeler que l’EI, plus encore qu’Al Qaida, utilise la propagande comme un moyen d’action opérationnel autonome, afin d’atteindre des objectifs stratégiques et politiques contre différents pays, même si je limiterai mon propos à la France.

Bien évidemment ces catégories sont imparfaites en ce que beaucoup d’articles – dont la qualité est très variable – ont des contenus aux logiques et objectifs mixtes, mélangés ou parfois même difficiles à identifier.

Catégorie 1 : la propagande « positive » en faveur de l’EI :

Recouvre les contenus qui présentent l’EI comme un mouvement militaire et idéologique vainqueur, parfait ou conquérant, afin de fortifier le moral de ses membres et sympathisants proches. C’est dans cette catégorie que l’on va trouver les contenus les plus violents (par exemple, certains reportages photos).

Catégorie 2 : L’avenir proche de l’EI :

Nous regroupons là les articles comportant soit des instructions, des conseils, des modes d’action, des cibles ainsi que ceux décrivant le projet de l’EI ou projetant dans le futur les désirs des rédacteurs du magazine (ex. un article menaçant les écoles publiques françaises dans le Nr. 7[6]) ; là encore le public visé est d’abord les membres ou sympathisants proches du groupe.

Catégorie 3 : la vie quotidienne dans les territoires sous domination de l’EI :

Sont regroupés ici des articles dépeignant la vie, et les règles applicables au sein des territoires de l’EI, en majorité avec un biais d’idéalisation d’une vie que l’ensemble des témoignages recueillis sur place dépeint comme très difficile ; le public visé est plus large, afin de séduire des musulmans.

Catégorie 4 : la propagande « défensive » de l’EI :

Il s’agit d’articles qui ont pour objectif de justifier les actions et règles de fonctionnement de l’EI, et de contredire les critiques, particulièrement à l’aide d’une lecture jihadiste des règles religieuses et juridiques de l’Islam sunnite wahhabite (nous pouvons citer les articles justifiant l’esclavage, la polygamie, la lapidation pour adultère, la destruction de monuments historiques…) ; là encore, le public visé est plus large, puisqu’il s’agit de « défendre » l’EI des critiques, de désamorcer les contre-discours produits contre le groupe.

Catégorie 5 : les discussions purement théologiques :

Certains articles n’ont qu’un contenu religion, consistant dans des citations, discours ou démonstrations purement théologiques. Le but est simplement d’afficher l’EI comme un mouvement « sérieux » et rigoureux dans sa pratique et sa connaissance de l’Islam, et donc « digne » du respect des musulmans ; le public visé est plus restreint : les jihadistes des autres mouvements, et les musulmans convertis ou « born-again » qu’une apparence de rigueur religieuse peut séduire.

Catégorie 6 : les ennemis de l’EI :

Cette catégorie regroupe les articles dénigrant et menaçant les ennemis de l’EI, et ils sont nombreux. Le premier article classé dans cette catégorie a été « histoire de l’inimitié entre la France et l’Islam » (Nr. 2), mais la plupart concernent les chiites (rafidites), les juifs, Al Qaida…. ; le public visé par ces contenus est plus large : les partisans de l’EI comme les sympathisants ou les jihadistes d’autres groupes.

Catégorie 7 : les membres de l’EI :

Sont regroupés là les contenus mettant en avant, par des textes et/ou des photos, les membres de l’EI, décris et présentés à titre d’exemples à l’attention des lecteurs ; le public visé est celui des sympathisants ou de tout lecteur susceptible d’être séduit.

Catégorie 8 : la rubrique « les mots de l’ennemi » :

Dans cette rubrique, les rédacteurs empruntent des propos et des écrits d’Occidentaux francophones afin de les utiliser, en s’appuyant sur une partie du contenu tout en critiquant ou contredisant les éléments gênants pour leur propagande[7] ; contrairement aux apparences c’est moins les Occidentaux que les partisans et membres de l’EI qui sont visés par ce type d’article, cherchant à manipuler et retourner les discours et études hostiles à l’EI.

Bien qu’imparfaites, ces catégories ont le mérite de pouvoir classer de manière pratique l’intégralité des contenus[8], qu’il s’agisse d’articles, d’interviews, de citations, de photos. J’ai donc repris les 8 numéros du magazine et classé l’ensemble de leurs contenus, en prenant en considération la pagination de chacun.

Nous en tirons deux schémas intéressants pour analyser les inflexions de la propagande induites par le numéro 8 du magazine officiel de l’EI.

Le premier montre l’évolution de la pagination de chaque catégorie de contenu :

DAI A

Au-delà de la croissance du volume total du magazine, la comparaison du numéro 8 avec les numéros précédents du magazine permet plusieurs constats :

  • augmentation très importante des contenus de propagande défensive (catégorie 4) et des contenus relatifs aux membres de l’EI (categ. 7)
  • disparition des contenus relatifs à l’avenir (categ. 2) et de ceux sur la vie quotidienne dans les territoires de l’EI (categ. 3)
  • pérennisation de la hausse constatée dans le précédent numéro de la rubrique « dans les mots de l’ennemi » (categ. 8).

Si l’on rapporte maintenant cette pagination en pourcentage sur chaque numéro, ces évolutions se confirment de manière visible :

DAI B

Ce second schéma permet aussi de constater que dans le dernier numéro, la propagande positive (categ. 1) perd de l’importance par rapport à la propagande défensive (categ. 4).

De même, après plusieurs numéros dédiés aux ennemis de l’EI (categ. 6), l’accent est mis dans le dernier volume du magazine sur les membres de l’EI (categ. 7).

Les conclusions que l’on peut tirer :

Si l’on part du principe que le contenu et les choix rédactionnels pour la conception de chaque numéro de ce magazine sont validés par la hiérarchie de l’EI, il est possible de tirer au moins 3 conclusions sur les choix stratégiques en matière de propagande de l’EI à l’égard de la France :

1ère conclusion : les attentats du 13 novembre contraignent la propagande de l’EI à une posture défensive et d’auto-justification

Plusieurs fois déjà, la propagande de l’EI s’est crue obligée de justifier certaines actions qui pouvaient réduire ses efforts de propagande envers les Français musulmans (citons les attaques de Charlie Hebdo, pourtant l’œuvre de français obéissant à d’Al Qaida – « ceux qui insultent le prophète » Nr. 2 ; la destruction des idoles – Nr. 3 ; la lapidation pour adultère – Nr. 4 ; l’esclavage sexuel – Nr. 5…). Cependant, il s’est toujours agi jusque-là d’articles courts. Jamais avant le numéro 8, le contenu de propagande « défensive » n’avait occupé un tel volume de pagination.

L’EI est donc contrainte suite aux attentats du 13 novembre, de redéployer ses efforts de propagande vers l’argumentation et la justification de ses actions.

Ce que semble montrer cette évolution, c’est que les réactions et retours des Français musulmans suite aux attaques du 13 novembre ont été massivement négatifs.

J’ai déjà analysé la stratégie de l’EI lorsqu’il lance des attaques terroristes en France. Tout confirme que le centre de gravité de ces attaques est la communauté des Français musulmans, qui doivent être séparés du reste de la nation, et ralliés à la cause jihadiste, afin de déstabiliser le pays[9].

Si les attaques du 13 novembre avaient été un succès de ce point de vue, il n’y aurait pas de raisons d’adopter comme l’EI le fait dans ce dernier Dar al Islam un discours aussi défensif, aussi approfondi dans l’explication et la justification de ce qui a été fait.

De même, si les contre-discours qui ont été diffusés après le 13/11 par les autorités musulmanes étaient sans effets, il n’y aurait aucun intérêt à mobiliser un argumentaire aussi lourd et indigeste pour le contredire et le combattre.

Si l’on se place du point de vue des propagandistes de l’EI, le résultat des attaques du 13 novembre sur les Français musulmans a donc été éloigné des attentes. Et cela explique donc cette grande opération de communication afin d’essayer de remédier à une popularité altérée, à une image dégradée auprès de ceux-là même qui sont les objectifs prioritaires de la propagande comme des opérations du groupe terroriste.

Par leur caractère aveugle et injuste, en frappant des anonymes pris au hasard – surtout des jeunes, y compris des musulmans – les attaques du 13 novembre ont heurté le bon sens et l’humanité de tous, quels que soient la religion, les croyances, les opinions, les ressentiments personnels à l’égard d’une société française en crise.

Face à ce résultat contreproductif et imprévu, l’EI a donc engagé un effort de propagande défensive sur 2 axes :

  • défendre les meurtres d’innocents par une argumentation juridico-religieuse particulièrement longue (et annoncée en deux parties)
  • réfuter le contre-discours diffusé par les Français musulmans, qui a affirme que les actes terroristes de l’EI n’ont rien à voir avec l’Islam.

Ces 2 axes désignent ainsi le levier évident que le contre-terrorisme français se doit d’actionner pour combattre la propagande jihadiste : contester à l’EI sa légitimité religieuse, en s’appuyant sur les Français musulmans qui refusent que l’Islam soit pris en otage par des croyances violentes, minoritaires et importées.

C’est ainsi que dans ce dernier Dar el islam, l’EI nous indique par ses choix éditoriaux, ses faiblesses et ses craintes.

Enfin, la propagande défensive de l’EI pour tenter de limiter les effets contreproductifs des attaques du 13 novembre se retrouve aussi dans d’autres éléments de ce numéro :

  • pour la première fois, l’EI semble cibler le FN[10], qui jusque-là était épargné de toute critique ou menace. L’objectif de cet artifice – sur lequel nous reviendrons plus bas – est évident : regagner la sympathie, sinon la popularité, des Français musulmans
  • de même, la tonalité des textes du dossier central se veut rigoureuse et exhaustive, en prenant appui sur les critiques ennemies, comme si les rédacteurs de Dar al Islam voulaient prendre le contre-pied de la posture personnelle du Premier ministre qui refuse toute recherche d’explication, toute analyse, assimilées par lui à une « recherche d’excuse » qu’elles ne sont pas.
  • Enfin, la publication de 3 testaments des auteurs, (associés au témoignage de la veuve d’un jihadiste français mort en Syrie) cherche à humaniser les auteurs d’attaques unanimement dénoncées comme « monstrueuses » ; là encore, il s’agit de réduire l’effet désastreux d’attentats aveugles et inhumains sur l’image de l’EI auprès des jeunes musulmans en France.

Il est évident que le ton général de ce dossier principal – comme du reste du magazine – est trop différent de la propagande triomphaliste que l’on avait observée jusque-là pour que cela ne fasse pas sens.

En adoptant un contenu « défensif », et un ton éloigné de tout triomphalisme[11], l’EI montre donc que les résultats des attaques du 13 novembre ne lui sont pas favorables.

Plus l’EI fait l’effort de se justifier de ses attentats, plus cela montre que ces actions n’ont pas produit l’effet escompté[12].

2ème conclusion : l’EI craint de se couper des français musulmans :

Dans ce numéro, la propagande de l’EI laisse apparaître encore plus que dans les précédents, la volonté de ses rédacteurs d’être « proches » des préoccupations des Français musulmans, malgré leur éloignement géographique et humain.

C’est le premier numéro où il y a autant de références à des éléments du paysage médiatique quotidien des Français : le tweet de David Thomson (p.8), un échange entre Olivier Galzi et Anouar Kbibech, président du CFCM sur iTélé au lendemain du 13 novembre. Et évidemment mon billet paru sur plusieurs sites, et reproduit intégralement dans la rubrique « les mots de l’ennemi« .

DAI 2

Il est vraisemblable que ces exemples ont été mûrement sélectionnés par les rédacteurs de Dar al Islam, en prenant comme base, ce qui a retenu l’attention de leurs contacts en France.

Ce que veulent les rédacteurs du magazine, de manière consciente ou non, c’est montrer que malgré leur éloignement géographique et idéologique, ils restent au courant de ce qui se passe en France. Bien que reclus dans une quasi-clandestinité, dans la partie de l’Irak sous la coupe de l’EI, ils continuent à partager les mêmes informations et réflexions que s’ils vivaient en France en 2016.

Ce choix de propagande nous expose, là encore une faiblesse potentiellement exploitable par le contre-terrorisme : insister sur le décalage réel entre la société française dans son ensemble et le petit groupe de ceux qui sont partis vivre en Iraq.

3ème conclusion : les Français sont dans une position ambiguë au sein de l’EI 

La hiérarchie centrale de l’EI est essentiellement irakienne, et l’internationalisation de ce groupe, souvent annoncée, ne s’est toujours pas vérifiée à ce jour. Au niveau local, les leaders sont choisis parmi les responsables tribaux qui ont fait allégeance, en privilégiant les jeunes générations aux plus anciens.

Au sein de l’EI, les jihadistes étrangers sont donc à part : limités à des rôles militaires (souvent de courte durée entre l’arrivée et l’attentat suicide final), ou à des fonctions de propagande. Parmi eux, les jihadistes francophones ne « pèsent » pas beaucoup dans l’appareil de l’EI.

L’un des signes de cette faiblesse est l’absence de mise en valeur des attaques du 13 novembre dans la propagande anglophone de l’EI (le Nr. 13 de la revue Dabiq ne traite quasiment pas de ces attaques, malgré qu’elles fassent sa couverture).

Dans ce contexte, le contenu du dernier numéro de Dar al-islam montre que l’échelon français (et apparenté) de l’EI s’essouffle et manque de moyens pour poursuivre les attaques contre la France.

4 éléments nous paraissent fonder un tel constat, qui demandera d’être confirmé :

  • d’abord, il n’y a jamais eu dans la revue Dar al islam, d’articles de dimension géopolitique comme il y en a dans Dabiq, montrant bien que les rédacteurs francophones ne sont pas dans la même sphère de réflexions, et n’ont pas accès aux mêmes niveaux hiérarchiques que les anglophones
  • de même, si la revue francophone Dar al-Islam comporte de nombreux articles directement traduits de la revue anglaise Dabiq, il n’y a rien dans l’autre sens (même si la rédaction francophone dispose d’une relative autonomie rédactionnelle).
  • ensuite, le Nr. 8 ne comporte aucun article de projection vers l’avenir[13], comme si avec les attentats du 13 novembre à Paris, l’EI avait épuisé ses capacités opérationnelles et ses réseaux d’opération en Belgique et en France, et n’avait d’autre choix que de « capitaliser » sur le passé plutôt que de se tourner vers le futur.
  • Enfin, la reproduction de mon article, qui essaie d’analyser du point de vue français, la menace terroriste en 2016 et qui met l’accent sur la dilution d’une menace de plus en plus individuelle et auto-générée, montre que c’est là une évolution, non pas avérée, mais désirée par l’EI en France, faute de pouvoir disposer de réseau permettant de maintenir une capacité d’attaques terroristes projetées ou « glocales ».

Un signal fort de ce positionnement ambigu des francophones au sein de l’EI est la NDLR page 91 « …il est bien connu que le plus gros contingent de l’Etat islamique est constitué de locaux et ce sera toujours le cas. » Cette affirmation des jihadistes francophones en Iraq, sonne comme l’aveu d’un rôle subsidiaire, ou celui d’une ambition contrariée.

Observations finales :

Il ressort de ces analyses que ce numéro de la revue représente, par son volume, sa structure et son contenu, le signe de la fin d’une époque pour l’EI francophone en Syrie et en Iraq, comme pour l’EI en France.

Le refus de tout triomphalisme, la tonalité très « défensive », les choix rédactionnels… permettent de constater que l’EI s’est affaibli en lançant une opération de grande ampleur en France. Et les rédacteurs du Dar al Islam Nr. 8 s’adaptent à cette situation nouvelle, en préparant un avenir fixé à un horizon éloigné.

Ces observations nous offrent donc une vision très différente de celle dominant actuellement en France, y compris dans la communication gouvernementale, de morosité et de catastrophisme. Le danger n’a pas disparu – loin de là – mais il s’est réduit en ce début d’année 2016.

Après n’avoir pas su éviter un excès de confiance avant ce funeste mois de novembre, sachons éviter de tomber dans l’excès inverse. La perception de sa propre situation que l’EI nous renvoie à travers un changement aussi important et inattendu de sa propagande doit nous permettre de mieux prévenir la menace, en l’évaluant à sa juste mesure, sans sombrer dans la suffisance, ni dans le pessimisme incapacitant.

Après cette conclusion, il reste à aborder deux observations particulières.

1ère observation : l’emploi du terme Daech est officialisé pour désigner l’EI :

D’abord, très symboliquement, et pour la première fois dans cette publication[14], le terme de Daech est employé pour désigner l’EI par les rédacteurs eux-mêmes de la revue, en dehors de toute citation : pages 7 & 17.

Il s’agit d’une officialisation importante, symboliquement très forte, et passée quasiment complètement inaperçue des commentateurs du magazine.

Cet emploi peut avoir plusieurs raisons[15] :

  • volonté de se « rapprocher » des jeunes français musulmans qui emploient tous ce mot, y compris parmi les sympathisants des jihadistes
  • appropriation d’un terme péjoratif utilisé par l’ennemi.

Rappelons que l’appropriation par des combattants d’une désignation péjorative utilisée au départ par l’ennemi est fréquente en histoire militaire[16], même si elle est d’abord le fait de soldats sûrs d’eux et en confiance[17] au point de retourner à leur avantage la propagande ennemie qui cherchait à les dévaloriser.

Dans tous les cas, il est donc désormais possible pour les analystes d’user du terme Daech, au départ issu de la propagande des ennemis de l’EI, pour désigner l’EI, sans se départir de toute objectivité ou rigueur, puisqu’il est employé par les rédacteurs de Dar al Islam.

2nde observation : Daech et le Front National

Ensuite, pour la première fois, Daech menace le Front National dans ce numéro de sa revue officielle, en désignant les membres de l’extrême-droite comme une cible « de premier choix ».

DAI 3

C’est le principal, et seul élément, relevé par les commentateurs. Et le FN a immédiatement exploité cela politiquement (dès le lendemain de la parution de la revue, soit le dimanche 7 février 2016).

Cette menace est-elle sérieuse ?

Il faut relever tout d’abord que le FN n’est pas l’objet d’un article le désignant, avec force citation de la Sunna, comme une cible légitime et « légale ». La menace découle seulement d’une légende d’une photo isolée dans un article qui a un tout autre objet.

Il suffit de comparer cette « menace » avec l’article de 8 pages ciblant l’école publique française et les services de protection de l’enfance dans le Nr. 7 du magazine, pour se rendre compte que cela ne ressemble pas aux modalités de communication de l’organisation lorsqu’elle désigne ses cibles à ses partisans.

Cette menace n’est donc pas du tout du même niveau de gravité et de force.

L’objectif pour Daech en visant le FN n’est pas d’inviter à agir, mais d’abord de restaurer une popularité entamée auprès des Français musulmans.

L’avenir de cette menace très limitée dépendra donc de la manière dont Daech envisage de résoudre sa problématique d’impopularité et de rejet auprès des musulmans, conséquence imprévue des attentats du 13 novembre. Ce problème d’image est aussi inattendu que prioritaire pour la suite des projets criminels de l’EI contre la France.

Si les menaces à l’égard du FN devaient se renouveler ou se matérialiser par des projets d’attentats, ce serait ainsi le signe que ce problème d’impopularité de l’EI auprès des jeunes en France n’est pas réglé…

Le 15 février 2016.

Nota Bene :

DAI fin

Il a été évoqué plus haut que dans ce numéro de Dar al Islam, mon billet sur la menace terroriste en France en 2016 a été cité in extenso, dans la rubrique « les mots de l’ennemi ». Je précise tout d’abord qu’en me qualifiant d’ennemi de Daech, les rédacteurs de ce magazine ont totalement raison.

Malgré cette citation, je ne cesserai pas d’étudier et de publier sur ces questions de terrorismes, de jihadisme, et particulièrement sur l’Etat islamique. Poursuivre mon travail de décryptage et d’analyse, continuer à dévoiler les ressorts de la propagande de Daech, mettre à nu ses méthodes et stratégies, révéler ses buts et son projet idéologique totalitaire et messianique restent pour moi le plus sûr moyen d’en annuler les effets comme leur efficacité. Je continuerais donc à livrer au débat public le fruit de mes réflexions dans ce seul but en espérant qu’il soit utile.

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[1] La magazine Dabiq est lui-même un avatar propre à l’EI du magazine d’Al Qaida « Inspire« , dont il est très proche dans la forme et le contenu voir : http://www.huffingtonpost.com/entry/isis-dabiq-magazine_us_56a7e6cfe4b04936c0e8938a?ncid=tweetlnkushpmg00000067

[2] La diffusion sur internet de publication de format journaux et magazines en langue anglaise est un moyen classique dans les mouvements jihadistes internationaux, depuis l’Afghanistan.

[3] S’il est impossible par manque d’information d’identifier les rédacteurs anonymes de cette revue, certains indices montrent que ces rédacteurs ont changé (moins de fautes d’orthographe ou d’accord qu’au début – variation du style), et que pour ce dernier numéro leur nombre semble se réduire à 2-3 personnes, avec une perte nette de savoir-faire (le sommaire « interactif » avec hyperliens vers les articles apparu dans le n°6 a disparu).

[4] Il est même plus gros que le magazine anglophone Dabiq qui après avoir atteint 79 pages (Nr. 9 & 10) est redescendu avec le Nr. 13 à 56 pages

[5] Le Dajjal est une figure très proche de l’antéchrist ; dans leurs croyances messianiques millénaristes et apocalyptiques, ce Dajjal serait le démon qui apparaîtra à la fin des temps et dont la défaite marquera pour les jihadistes l’avènement d’une nouvelle ère.

[6] J’avais étudié en détail cet article dans un précédent billet, en omettant de relever qu’il s’agissait d’une traduction /adaptation à l’égard de la France d’un article paru dans un précédent Dabiq – Nr. 12)

[7] Cette rubrique apparue dans le Nr. 3 est en fait la reprise du principe d’une rubrique connue du magazine « Dabiq » (in the words of ennemies), qui est elle-même empruntée à une rubrique fondée sur le même principe de la revue « Inspire » d’Al Qaida

[8] Je répète que pour certains contenus, ce classement a été délicat et j’ai alors privilégié l’objectif poursuivi par les rédacteurs, dans la mesure où celui-ci est à la portée d’une analyse objective et rationnelle.

[9] Voir mon billet paru le 11/06/2015 et repris ici : http://kurultay.fr/blog/?p=612

[10] Dans la légende d’une photo de la page 22, montrant un cortège du FN désigné comme « cibles de premier choix« 

[11] les légendes moqueuses de certaines photos du dossier relativisent le choix des rédacteurs de Dar al islam d’adopter un ton modéré dans ce numéro, manifestement conjoncturel.

[12] Rappelons que du point de vue de l’EI, les attaques du 13 novembre représente un succès majeur, ce qui est rappelé par ailleurs de manière assez maladroite par la légende de la photo p. 15 et surtout dans les NDLR p.95, or ce succès n’est pas célébré sur un ton triomphaliste, mais justifié et défendu, presque excusé…

[13] c’était déjà le cas du Nr. 4, sans que cela n’ait de conséquence, sauf qu’il s’agissait d’un magazine alors de 42 pages et non 114….

[14] Nous n’avons pas trouvé d’équivalent dans les derniers Dabiq sans avoir cherché dans les plus anciens numéros.

[15] Pour un tel emploi, dans une publication officielle, d’un terme utilisé de manière péjorative par les ennemis de l’EI à 2 reprises excluent selon nous la simple erreur ou maladresse.

[16] Citons par exemple les « Old contemptibles » de 1914 ou les « Deserts Rats » en 1941

[17] C’est fréquent chez les soldats britanniques ayant remporté un succès défensif – plus rare dans les armées latines ou moyen-orientales