LA MENACE TERRORISTE EN FRANCE EN 2017

Après avoir analysé l’année dernière (en 2016) la menace terroriste en France, nous nous proposons de procéder à une nouvelle étude globale de la situation pour l’année 2017. Il s’agit de procéder à un état des lieux afin d’identifier les évolutions de cette menace, ainsi que les enjeux pour notre pays.

La menace terroriste pesant sur la France en 2017 doit être replacée dans le cadre d’un double échec : celui de l’offensive terroriste lancée par l’EI en septembre 2014, et celui des stratégies de contre-terrorisme mises en œuvre depuis cette date.

1 L’échec de l’offensive terroriste stratégique de l’EI en France et en Europe :

Comme nous l’avons déjà exposé, l’EI a lancé en septembre 2014, une offensive terroriste majeure en Europe, visant particulièrement en France[i].

Cette offensive est évidente quelque soit le paramètre retenu : qu’il s’agisse du nombre d’attentats, du nombre de victimes, ou encore du nombre de projets déjoués par les services de sécurité, on constate une augmentation importante entre 2013 et 2016 du volume des opérations terroristes, particulièrement celles liées à l’EI.

Sur la période 2014-2016, les attaques terroristes jihadistes en Europe ont fait 273 victimes, soit plus que toutes les années précédentes cumulées (267 morts)[ii]. Plusieurs opérations de grande ampleur ont été organisées depuis les sanctuaires de l’EI en Syrie et en Irak. Certaines ont pu être menées à leur terme pour aboutir aux échecs majeurs de la lutte antiterroriste subis à Paris (13 novembre 2015) et Bruxelles (22 mars 2016).

De même, la tactique mise en œuvre par l’EI, afin de susciter des attaques générées localement, que nous avions qualifiés « d’opportuniste » a fonctionné, permettant de maintenir une pression importante à moindre coût sur les services de sécurité français, avec un paroxysme lors de l’été 2016.

Nous avons essayé de compléter le graphique de l’année dernière en y intégrant les données tirées des attentats et projets d’attentats en 2016, à partir des données accessibles[iii].

On constate que l’offensive terroriste stratégique de l’EI déclenchée par la déclaration du 22 septembre 2014 de son porte-parole a connu une progression pour atteindre son intensité maximale en 2016. Chaque semestre de 2016 a vu ainsi plus d’opérations (26 et 23) que toute l’année 2015 (20), déjà marquée par une doublement par rapport à 2014 (9).

Les opérations dirigées contre la France représentent encore une part importante des opérations (44,9%), même si on constate un ralentissement en fin d’année 2016. D’autres pays européens semblent d’ailleurs devenir des cibles, comme l’Allemagne qui voit le nombre des attaques brutalement augmenter à la fin 2016.

Lorsque l’EI lance son offensive en septembre 2014, ile st possible d’identifier plusieurs revendications.

D’abord, l’EI réclamait que les pays occidentaux cessent leurs raids contre lui, et plus généralement arrêtent de s’immiscer dans les affaires des pays musulmans[iv].

Au-delà de cette revendication « classique » de la propagande jihadiste (qui conçoit son action comme « défensive »), l’EI a poursuivi 3 objectifs principaux :

  • prendre l’ascendant sur les autres groupes de la jihadosphère, à commencer par le rival Al-Qaida
  • Provoquer des tensions antimusulmanes dans les pays européens pour : recruter des combattants, rallier les musulmans à ses idées et légitimer son idéologie
  • Provoquer l’envoi de forces militaires européennes au sol en Irak, en espérant battre ces forces au sol et infliger une défaite à l’Occident

Le 3ème objectif en apparence contradictoire avec la revendication officielle est en réalité une étape : les Jihadistes estiment que le désengagement occidental au Proche-orient ne pourra se faire qu’après une défaite comme celles subies par les USA au Vietnam ou l’URSS en Afghanistan.

En 2017, du point de vue de ces 3 objectifs stratégiques, l’offensive terroriste de l’EI est un échec.

Si le mouvement peut revendiquer un rôle de leader au sein de la sphère jihadiste, il n’est pas parvenu à absorber tous les groupes concurrents ; Al Qaida, demeure ainsi actif et dangereux, malgré une relative discrétion qui ne doit pas tromper.

L’objectif de provoquer une réaction islamophobe et de rallier les musulmans européens a échoué – pour l’instant – du fait des réactions globalement mesurées des pouvoirs publics et surtout des populations concernées. Les ralliements restent limités à l’entourage de jihadistes anciens et connus. Pire, le flot des départs vers la Syrie et l’Irak s’est réduit sans que cela ne rejaillisse sur le nombre de jihadistes agissant en Europe, ce qui montre que les mécanismes menant à la radicalisation ne sont pas encore maîtrisés par l’EI et que le phénomène reste contenu.

Il convient de rester prudent sur l’appréciation de cette situation, qui est relative et peut évoluer brutalement dans un sens plus conforme aux attentes de l’EI. Toutefois, après une période inquiétante en France durant l’été 2016, la situation s’est stabilisée. La campagne électorale actuelle offre d’autres modes d’expression à la contestation sociale et politique qui reste un des leviers de radicalisation sur lequel s’appuie le recrutement jihadiste.

Enfin, aucun des Etats européens ne s’est réellement engagé au sol contre l’EI, au-delà de frappes aériennes, d’engagement de forces spéciales et de formateurs en soutien des troupes irakiennes et milices kurdes. Ainsi la France limite son engagement à quelques centaines d’hommes, évitant d’offrir à l’EI la possibilité d’un combat au sol.

Au regard des moyens engagés, et des attentes, l’offensive lancée en septembre 2014 n’a pas produit de changement dans la situation stratégique de l’EI, et au contraire a renforcé la détermination des puissances occidentales à le vaincre.

2 l’échec du contre-terrorisme européen face à l’offensive de l’EI :

Pour autant, l’échec de l’EI n’offre pas d’occasion de triompher. En effet, les stratégies de contre-terrorisme mises en place de manière non coordonnées par les Etats européens, et particulièrement en France, pour parer à cette offensive terroriste, n’ont pas répondu aux attentes. Pire même, elles démontrent un manque de cohérence et d’efficience sur le long terme qui laisse subsister des inquiétudes pour l’avenir.

Il est délicat de qualifier la stratégie de contreterrorisme déployée par la France en 2015 et 2016, tant les décisions politiques qui ont suivi chaque attentat ont manqué de recul. Il est toutefois possible de distinguer 3 volets qui ont tous échoué :

  • une action militaire directe mais contingentée contre les sanctuaires de l’EI en Irak et en Syrie : nous n’épiloguerons pas sur la faiblesse des moyens engagés[v] et l’absence de capacité à offrir une alternative politique locale viable aux populations sunnites, pour insister sur le fait que beaucoup s’interrogent aujourd’hui sur la pertinence même d’une réponse militaire à une menace terroriste globale[vi],
  • Un renforcement des moyens de contreterrorisme intérieur, avec l’instauration durable d’une législation d’exception dite de l’état d’urgence, le déploiement de militaires dans les rues (dispositif Sentinelle[vii]), et l’augmentation des moyens des services de sécurité ; là encore l’efficacité de ces mesures reste questionnable au regard de leur coût politique[viii] et financier, et de leur impact sur les capacités globales des outils militaire[ix] et policier[x] dont les différences s’estompent progressivement,
  • La mise en place de dispositifs de détection des individus « radicalisés » et des tentatives de processus visant à la « déradicalisation » de ces individus : les méthodes comme les résultats de ces dispositifs échappent à toute possibilité d’évaluation scientifique sérieuse[xi].

En réalité, les analyses des causes du passage à l’acte terroriste jihadiste (confondu par paresse intellectuelle avec la « radicalisation »[xii]) comme celles sur les mesures de préventions de ces passages à l’acte, ne manquent pas mais tardent à être intégrées par les décideurs et traduites en action politique.

Un exemple d’étude sur le passage à l’acte terroriste : Diagramme extrait de la Thèse de Doctorat de Joseph MARCHAND « Psychopathologie du terrorisme et de la radicalisation », Univ. Lille 2 2016, p. 103

C’est ainsi que malgré l’augmentation des moyens juridiques et budgétaires, la communauté des analystes reste très pessimiste sur la situation à moyen terme en Europe[xiii].

Le contreterrorisme actuel en France est donc impuissant à offrir une quelconque perspective de règlement pérenne à la menace terroriste jihadiste.

Ce constat n’est pas contradictoire avec certains succès tactiques réels, parfois difficiles à médiatiser. La régularité des attentats et des projets déjoués suffit à démontrer que les causes profondes du problème ne sont pas traitées, et que l’action se focalise sur le blocage des complots fomentés par des jihadistes, dès leur identification.

Ce blocage des projets d’attentats réussit régulièrement – et c’est heureux – et même de plus en plus souvent depuis le début de l’année 2017. Mais l’aléa demeure très important face à une menace fluide et évolutive. C’est ainsi que les moyens déployés, actuellement efficaces, contre des projets terroristes de grande envergure et transnationaux, trouvent leurs limites face à une menace qui s’individualise, notamment dans le « terrorisme opportuniste ».

Les deux camps en présence sont donc confrontés à une impasse stratégique obligeant – en théorie – à réviser objectifs et choix d’actions. Cette impasse découle de l’asymétrie très importante des logiques et moyens de chaque camp.

Tout va désormais dépendre de la capacité de chaque camp à prendre conscience de ses échecs et à modifier ses actions pour les dépasser [xiv].

3. La situation du terrorisme en France et en Europe au printemps 2017 :

Cette situation découle d’abord de la situation stratégique de l’EI, qui a évolué. Les territoires qu’il contrôle sont aujourd’hui directement menacés par plusieurs offensives non coordonnées mais concentriques :

  • à Mossoul par les forces irakiennes (en majorité chiites, soutenues par les Occidentaux et les Kurdes),
  • à Raqqa par les forces kurdes,
  • à Al Bab par la Turquie, puis par les forces du régime syrien.

A ces trois menaces qui visent l’axe névralgique des territoires irako-syriens tenus par l’EI (zone C sur le diagramme), il convient d’ajouter trois autres sources de pression militaire exercée sur l’EI :

  • au nord la fermeture de l’accès à la frontière turque (zone D),
  • à l’ouest la pression croissante des forces pro-régime (Zone E & D),
  • sur tout le territoire de l’EI, les raids permanents de la coalition menée par les USA, et de l’aviation russe (zone A).

Situation de l’EI en janvier 2016 – schéma de @evil_SDOC

Bien que représentant en théorie une puissance globale énorme, ces adversaires de l’EI n’agissent pas de manière coordonnée (quant ils ne s’affrontent pas comme actuellement à Manbij). L’EI conserve donc de capacités de manœuvres mais doit faire face depuis l’automne 2016, à une menace directe venant de plusieurs directions, et qui mobilise ses moyens. La capacité – et l’intérêt – de projeter des groupes formés vers l’Europe pour y mener des attaques terroristes diminue donc. L’EI doit trouver d’autres moyens pour maintenir le volume de son offensive terroriste contre la France et l’Europe.

Nous avons repris notre distinction entre les 3 catégories d’actions terroristes de l’EI, en l’affinant pour 2017 :

– pour les opérations relevant du terrorisme projeté :

Inéluctablement, la situation dans ses sanctuaires territoriaux va redonner la priorité aux ennemis proches de l’EI. La menace d’opérations terroristes projetées telles que celle menée à Paris le 13 novembre 2015, semble devoir se réduire à moyen terme, sauf activation d’éléments qui auraient déjà été envoyés vers l’Europe en 2016 ou avant.

Il est donc possible de distinguer deux configurations qui pourraient expliquer que des attaques de cette catégorie soient menées en 2017 :

  • Soit un commando de l’EI a déjà été projeté en Europe en 2016, et pour des raisons diverses (rassemblement, logistique…), il n’entre en action que cette année : compte tenu de la menace d’une arrestation anticipée qui grandit avec le temps, il s’agirait d’un pari risqué.
  • Soit un commando se forme de jihadistes revenus de Syrie ou d’Irak (« returnees ») et entre en action sur ordre de la hiérarchie de l’EI ; ce risque est réel. Il nécessite une vraie réflexion quant à la réponse à apporter aux demandes de retour de jihadistes qui vont devenir de plus en plus fréquentes (identification, gestion et surveillance des retours de jihadistes en Europe et en France).

– pour les opérations relevant du terrorisme « glocal » :

Contrairement au terrorisme projeté, ce type de terrorisme est beaucoup moins influencé par la situation stratégique actuelle de l’EI dans son sanctuaire Irako-syrien.

Il est en réalité concerné par une double évolution contradictoire : le nécessaire renouvellement des réseaux jihadistes qui oblige à marquer une pause, et l’augmentation des situations sociales facilitant les passages à l’acte terroristes qui fait craindre une augmentation à terme d’un phénomène imparfaitement traité par le contreterrorisme.

Le renouvellement des réseaux jihadistes français et européens :

Le terrorisme suppose l’existence de réseaux structurés autour de groupes terroristes, ou encore aujourd’hui « d’entrepreneurs ». La notion « d’entrepreneur terroristes », mise en lumière par plusieurs travaux séminaux récents[xv], est essentielle pour bien comprendre le mode de fonctionnement des réseaux jihadistes européens.

Il est possible de les définir comme les personnalités fortes et actives qui mènent des projets d’action terroriste, parfois même jusqu’à leur exécution. Souvent improprement affublé du terme de « cerveau » dans les médias, ils sont en réalité des activateurs, plutôt que des penseurs ou stratégistes.

Ils recrutent et regroupent autour d’eux des compétences qu’ils mettent au service d’une cause dans le cadre de projets d’attaques, qu’ils conçoivent, organisent et supervisent intégralement, à la manière d’un entrepreneur moderne. Leur action, aussi bien directe que par internet, va du simple encouragement à des instructions très précises[xvi].

Les exemples abondent, mais on peut citer parmi les « entrepreneurs », pour la France Abaaoud, Kassim ou Fabien Clain[xvii]. Pour l’Allemagne, on trouve l’Irakien Abou Walaa.

Contrairement aux différents groupes terroristes locaux affiliés à Al Qaida, les « entrepreneurs terroristes » ne cumulent pas un double agenda : local et propre à leur organisation / global et relevant de son affiliation au Jihad. Ils ne font pas non plus partie d’un groupe terroriste structuré et reconnu, dont l’allégeance devra être acceptée en fonction de critères idéologiques et religieux.

En revanche, leur action est soumise à trois séries de contraintes :

  • il s’agit souvent de personnalités jihadistes connues des services, et il leur faut à la fois tromper les services de renseignement tout en restant actifs pour fédérer et organiser les différents acteurs qu’ils vont mener jusqu’à l’attaque terroriste,
  • ne disposant pas du savoir-faire[xviii], ni de la logistique nécessaires à la réalisation d’attaques terroristes souvent ambitieuses, ils restent dépendants des informations et documentations que l’organisation pourra leur transmettre, par des moyens de communication susceptibles d’interception ou de surveillance,
  • enfin, ils ne disposent pas des moyens matériels et financiers pour monter leurs opérations terroristes, ce qui les expose à devoir prendre des risques pour trouver les armes, les explosifs, et recevoir de l’extérieur, les moyens financiers pour leurs projets.

En d’autres termes, le nombre de ces entrepreneurs reste limité, malgré les efforts de propagande et de recrutement.

Soit il s’agit de vétérans expérimentés, donc dangereux, mais connus car liés à des réseaux jihadistes anciens. Soit il s’agit d’inconnus, plus récemment engagés dans le jihadisme terroriste, et les compétences techniques et l’expérience nécessaires à la réalisation d’un attentat ambitieux leur manquent.

L’offensive de 2015-2016 a amené à l’activation et à l’engagement de la majorité des réseaux et des « entrepreneurs terroristes » en France. La séquence de novembre 2015 / mars 2016 a ainsi entraîné la fin du plus gros réseau, structuré autour de plusieurs entrepreneurs, agissant en mode « projet », basés en Belgique et ciblant la France. Ces réseaux sont pour l’essentiel anciens et formés autour des vétérans des luttes jihadistes anti-US en Iraq des années 2003 à 2007, eux-mêmes en lien avec les réseaux des années 80 et 90[xix].

(schéma de @evil-SDOC )

L’EI semble devoir reconstituer son « vivier » d’entrepreneurs, offrant ainsi un répit temporaire à la France.

Ce délai, et les actions pour susciter de nouvelles « vocations » offrent des opportunités aux Services français de contre-terrorisme pour réagir. Ces opportunités ne pourront toutefois être saisies si ces Services n’améliorent pas leurs capacités en traitement de l’information, et en acquisition de renseignement humain au sein des sphères jihadistes elles-mêmes.

Ainsi, on peut s’attendre à une réduction des opérations de terrorisme « glocal », telles que nous les avons définies. Toutefois, cette réduction restera de courte durée et sera compensée par l’augmentation durable et importante des facteurs sociaux menant une partie importante de la jeunesse au jihadisme et au passage à l’acte terroriste.

Sans développer les principaux axes de réflexion, on relèvera que l’attractivité de l’idéologie jihadiste repose sur 3 axes déjà largement étudiés :

  • les tensions économiques et le chômage de masse
  • le poids démographique des jeunes musulmans dans les Sociétés
  • les pertes de repère induites par la sécularisation de Sociétés et le double discours tenus par les dirigeants politiques sur les valeurs.

Les analystes considèrent ainsi que les facteurs prévisibles à moyen terme vont amener à une pérennité du terrorisme jihadiste en Europe sur la base de 4 tendances [xx] : :

  • – les groupes démographiques formant leur base de recrutement vont augmenter
  • – le nombre d’entrepreneurs va lui aussi croître (large diffusion de l’idéologie et des modes opératoires jihadistes, amalgame entre les vétérans et les nouvelles recrues)
  • – les conflits au Proche et au Moyen Orient vont persister
  • – l’accès des jihadistes à internet continuera malgré les barrières.

Ces tendances globales invitent donc au pessimisme sur le moyen terme même si la période semble permettre d’espérer un (relatif) ressac des attentats préparés directement ou sous allégeance directe et préalable de l’EI.

Il est intéressant de relever que les réseaux jihadistes s’investissent beaucoup dans l’action sociale et l’aide aux réfugiés. Les conditions de vie en France et en Europe, les stigmatisations et conditions d’accueil comme les parcours personnels des réfugiés, constituent autant de ferments pouvant être « orientés » vers radicalisation et passage à l’acte terroriste. La manière dont les réfugiés sont traités en France en 2017 est donc un enjeu de sécurité important.

Cette pause de deux premières catégories de terrorismes (projeté et glocal) risque toutefois d’être peu évidente tant le terrorisme opportuniste va rester actif.

– pour les opérations relevant du terrorisme opportuniste :

Rappelons que sous le vocable de terrorisme opportuniste, nous avons des projets ou des attaques qui ne sont ni préparées, ni directement ordonnées par une organisation terroriste centralisée. Ce mode d’action a été l’innovation principale de l’EI depuis 2015.

Il peut s’agir d’actions suscitées à distance par des membres de l’EI, qui seront donc des « entrepreneurs virtuels », dans le cadre d’instructions plus ou moins précises, mais aussi d’initiatives totalement isolées qui pourraient relever de faits divers « politisés », voire d’acte de déséquilibrés mentaux.

Au passage rappelons que la notion de « loup solitaire » n’est pas un concept opérationnel pour comprendre ou décrire le terrorisme jihadiste actuel [xxi], où même les actes individuels sont le fait d’acteurs intégrés dans des réseaux d’amis réels ou virtuels, des bulles informationnelles et un cadre idéologique systématique connecté aux grandes organisations jihadistes, particulièrement l’EI[xxii] qui est moins attaché qu’Al Qaida à l’intégration de groupes terroristes locaux déjà organisés et reconnus.

Ce n’est pas un hasard si depuis quelques mois, la question du lien entre terrorisme jihadiste et déséquilibre mental fait l’objet d’études poussées. Les problèmes psychologiques et les fragilités psychiatriques sont ainsi souvent cités parmi les facteurs du passage à l’acte terroriste, surtout pour des actions individuelles relevant du terrorisme opportuniste. Les premières études statistiques montrent ainsi que certaines pathologies sont plus fréquentes chez les auteurs d’actes terroristes individuels que dans le reste de la population (schizophrénie, et troubles de la personnalité…) [xxiii].

Les analyses montrent surtout que c’est un facteur de passage à l’acte pour le terrorisme opportuniste, et non celui projeté ou organisé directement par une organisation [xxiv].

Les processus du passage à l’acte terroriste étant complexes et individuels, les individus radicalisés peuvent être activés et poussés, mais plus difficilement arrêtés temporairement ou définitivement par l’organisation.

L’EI a poussé depuis un an aux actions terroristes par tous ses moyens, qu’il s’agisse de sa communication officielle comme des contacts de ses membres avec toutes les personnes sensibles à son idéologie. L’activation des individus soumis à ces stimuli n’étant pas directement contrôlable, c’est bien les actions opportunistes qui ont le plus de chance de continuer.

Infographie montrant pour les USA le rôle central des « entrepreneurs virtuels » de l’EI dans les récentes attaques

Il est d’ailleurs de l’intérêt de l’EI, malgré l’échec de son offensive de maintenir la pression liée à sa menace terroriste, dans l’espoir de mobiliser les ressources des Sociétés occidentales loin de ses sanctuaires, et très hypothétiquement d’épuiser les économies et les armées de ses ennemis par une tension permanente liée à la simple menace d’attentats isolés pouvant survenir à tous moments.

L’EI se retrouve dans une configuration stratégique similaire à celle de la marine allemande à partir de 1943 : l’offensive sous-marine n’a plus aucune chance de réussir à vaincre l’ennemi, mais il faut continuer pour maintenir des moyens ennemis importants (notamment en bombardiers) loin du front et des villes allemandes bombardées.

C’est donc bien le terrorisme opportuniste, qu’il soit de proximité ou le fait d’éléments isolés ayant voyagé vers les pays occidentaux[xxv], qui représente pour 2017 la menace la plus importante.

4. Les évolutions potentielles de la menace terroriste en France et en Europe pour la fin de l’année 2017 :

Au-delà de cette configuration conjoncturelle, il est nécessaire de distinguer les évolutions potentielles de la menace terroriste. Ces évolutions ne sont pas exclusives les unes des autres, et peuvent se cumuler. Elles ne sont pas non plus linéaires ou irréversibles, et elles ne sont développées ici que comme objet de réflexion et grille de compréhension des évènements à venir.

Evolution 1 : Une action pour influer sur les votes politiques :

L’idée qu’un attentat puisse modifier le cours de la vie politique, changer le résultat d’un vote est l’un des grands mythes parmi les jihadistes.

Le fait est que cela n’a jamais été constaté dans l’histoire récente, mais cela peut constituer un objectif. Nous ferons une étude plus approfondie de cette question importante dans un prochain billet, mais même en 2004 à Madrid, ce ne sont pas les attentats d’Atocha qui ont changé les résultats électoraux mais la mauvaise réaction du gouvernement en place.

D’une manière plus générale, il s’agit là de parier sur l’absence de résilience des Sociétés et des électeurs à un attentat. Ainsi, le contexte de grande volatilité des votes en France à un mois du premier tour des élections présidentielles de 2017 peut laisser craindre qu’un attentat puisse changer les résultats. Mais ce contexte est aussi marqué par la résilience de la France aux attaques terroristes, qui a été « endurcie » par la série d’attentats importants et dramatiquement couteux en vies humaines de 2015 et 2016.

D’autres pays semblent alors plus vulnérables que la France à des attaques motivées avec cet objectif qui est rappelons-le très ambitieux, au regard de ce que l’on a constaté jusque-là dans l’histoire (nous ferons un billet plus approfondi sur cette question du lien d’un attentat avec les résultats d’une élection).

Les échéances électorales en France et en Europe pourraient donc constituer un guide permettant d’identifier les menaces terroristes à venir, si l’objectif de l’EI était encore d’atteindre par des attaques identiques à celles déjà lancées, ses objectifs politiques.

Evolution 2 : les terroristes cherchent une attaque terroriste plus sophistiquée ou complexe :

Rappelons que parmi les possibilités d’attaques auxquelles les services français se préparent se trouvent les attaques chimiques, bactériologiques ou nucléaires.

L’EI maîtrise et utilise régulièrement en Syrie l’arme chimique. Ce savoir-faire spécifique et hautement technique représente donc une menace en cas de diffusion aux groupes ou individus « activés » en France et en Europe.

Mais il reste le problème de trouver les « entrepreneurs » et les réseaux capables de monter de telles attaques très complexes et sophistiquées. Or, il semble que l’EI doive d’abord reconstituer ses réseaux. Le recrutement d’individus radicalisés représente donc ainsi un axe important d’action.

Outre le recrutement, il faut aussi leur transférer les moyens et les expertises, ce qui implique des contacts qui augmentent d’autant les risques de repérages et d’arrestations.

Enfin, l’EI a été confronté après les attaques de novembre 2015 à un phénomène de rejet qui montre que des attaques aveugles et ultra-violentes contre des civils indiscriminés peuvent avoir un effet contre-productif quant à l’atteinte de ses objectifs. Conformes à une idéologie jihadiste qui induit une surenchère (nombre de morts, horreur de l’attaque), des attaques causant de lourdes pertes civiles continueront à produire un phénomène de rejet de ses auteurs par les populations, y compris musulmanes, déjà constaté après les attentats de Paris en 2015 et de Nice en 2016.

En ce qui concerne les autres organisations jihadistes, elles se heurtent aux mêmes problèmes que l’EI pour monter des attaques complexes ou sophistiquées en France, avec le handicap supplémentaire au recrutement du manque de médiatisation.

Il reste le risque d’une action complexe d’un « entrepreneur terroriste » qui aurait échappé à la surveillance et disposerait des compétences pour monter un projet d’attentat sophistiqué.

Dans tous les cas, une telle évolution est fortement dépendante des processus internes de prise de décision au sein de l’EI, qui sont complexes et difficiles à discerner. Il est intéressant de noter que les chercheurs se sont pour l’instant concentrés sur les processus de décision ayant amené des groupes à choisir le terrorisme, mais pas sur ceux qui ont amené des groupes terroristes à modifier les modes opératoires terroristes[xxvi].

Evolution 3 : les terroristes recherchent à maintenir la pression par des attaques « low-cost » : Presqu’attentats, recherche de cibles symboliques et jihad opportuniste.

A la fois pour des raisons idéologiques et de défense de son leadership à l’égard des autres organisations terroristes jihadistes, l’EI veut poursuivre ses attaques, en adaptant ses modes d’action aux constats faits et à ses moyens.

Rappelons que l’EI a défini dans ses communications officielles qu’il cherchait plus à épuiser les moyens militaires et économiques de la France et des autres pays, qu’à briser la volonté des décideurs.

L’EI a ainsi établi ses objectifs stratégiques à long terme, fournissant ainsi un guide pour d’éventuelles futures opérations.

Ne pouvant plus organiser des attaques complexes ou sophistiquées, l’EI peut donc privilégier les attaques « low-cost » : toute action terroriste permettant d’atteindre ces effets à long terme sans nécessiter des investissements au-dessus de ses capacités actuelles.

C’est déjà la tendance retenue avec l’introduction par l’EI du terrorisme opportuniste, c’est à dire l’intégration et la promotion d’actions individuelles aboutissant aux mêmes résultats sans nécessairement les mêmes implications qu’une action sous autorité hiérarchique directe.

Cette tendance peut être étendue dans 3 directions.

1) D’abord, les projets déjoués, les faits divers ou incidents attribués à tort à des actes terroristes suffisent à infliger les pertes à long terme décrites ci-dessus.

Profiter du climat de peur instauré par la menace, faire subir aux économies et à la vie quotidienne les effets cumulés des lourdes mesures de contrôle et de surveillance, multiplier les fausses alertes ou les « presqu’attentats » peut ainsi faire partie de l’arsenal de l’EI pour produire les effets recherchés à un coût très réduit.

Désormais, même les fausses alertes, les réactions de panique, les projets déjoués mobilisent des moyens militaires et policiers limités et sous contrainte budgétaire. Entretenir ce climat de menace et de peur propice aux évolutions politiques vers les extrêmes souhaitées par les jihadistes (voir au début) devient donc un moyen d’atteindre les objectifs à long terme de l’organisation.

C’est ainsi qu’il faut intégrer désormais la notion de « presqu’attentat », fait divers ou accident qui est interprété comme un attentat et suffit à mobiliser les services de sécurité, les médias et à augmenter les dépenses et les angoisses.

2) Ensuite, l’effet économique néfastes des attentats sur le tourisme à Paris a été relevé et il est fort probable que les jihadistes vont tenter de cibler des objectifs symboliques forts (comme les monuments ou les musées).

L’idéologie jihadiste extrêmiste de l’EI comporte un aspect iconoclaste. L’EI est traditionnellement hostile aux œuvres d’art, aux vestiges et monuments antiques[xxvii]. L’attaque d’un musée, la destruction d’une œuvre d’art représentent une opération peu coûteuse mais permettant là encore de produire d’importants effets.

3) Enfin, en ce qui concerne les attaques terroristes visant à produire des victimes, l’évolution vers des actions « low-cost » implique l’abandon de modes opératoires requérant savoir-faire et organisation militaires (armes de guerre, explosifs…), pour privilégier des modes opératoires plus accessibles (attaque aux véhicules, à l’arme blanche…).

Evolution 4 : La France et l’Europe deviennent un champ de rivalité entre organisations terroristes :

Nous avons principalement porté notre analyse sur l’EI, qui était en 2016, l’acteur majeur du terrorisme jihadiste en France et en Europe.

Mais il convient de rappeler que l’affaiblissement progressif de l’EI dans ses sanctuaires irako-syriens peut amener d’autres organisations jihadistes à vouloir lui disputer son Leadership.

Rappelons que la perte des territoires de l’EI en Irak et en Syrie ne signifiera en rien la fin du terrorisme jihadiste en Europe et en France.

En effet, il existe déjà des organisations dans d’autres zones géographiques qui peuvent prendre le relais, et récupérer les individus radicalisés souhaitant frapper l’Occident.

Citons par exemple les reconfigurations récentes intervenues dans la zone saharienne (Mali…), zone dans laquelle la France représente aussi une cible prioritaire.

On évoquera également les autres zones de conflit susceptibles de constituer des sanctuaires pour organiser des attaques terroristes en Europe et en France : Libye, Sinaï et Syrie (zone rebelle)…

Une évolution possible serait donc une lutte d’influence entre différents groupes jihadistes pour récupérer les réseaux et l’aura de l’EI, qui se matérialiserait par une surenchère d’attaques terroristes.

5. Conclusion :

La menace terroriste en France en 2017 ne diminue pas.

Pour l’instant, le terrorisme jihadiste change légèrement mais régulièrement de forme, en poursuivant les tendances perceptibles depuis 2015.

Mais la période qui s’ouvre, avec les échéances électorales du printemps 2017, va générer des possibilités de mutations profondes et rapides de la menace, qu’il s’agisse de changement dans les modes opératoires comme dans les cibles. Il existe donc une grande incertitude sur les perspectives à moyen terme.

Dans tous les cas, la définition d’une stratégie globale, qui dépasserait les seuls volets sécuritaires et répressifs, et l’identification de moyens permettant enfin de contrer efficacement l’attractivité de l’idéologie jihadiste auprès des jeunes constituent les clés d’une victoire contre le terrorisme. L’absence de perspectives sur ces deux enjeux majeurs impose donc le pessimisme sur le long terme, ou à tout le moins la plus grande prudence.

Nota Bene : Ce billet paru le 15 mars 2017 est dédié aux 7 victimes des attaques terroristes de Mohammed Merah commises il y a 5 ans exactement : Imad Ibn Ziaten, Mohamed  Legouad, Abel Chennouf, Jonathan Sandler, Arié Sandler, Gabriel Sandler et Myriam Monsonego. In Memoriam

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[i] Voir notre article : La menace terroriste en France en 2016 ;

[ii] Sources de ces chiffres : Petter Nesser, Anne Stenersen & Emilie Oftedal, Jihadi Terrorism in Europe : The IS-Effect in Perspectives on Terrorism Volume 10, Issue 6, p. 3

[iii] Les chiffres des opérations liées à l’EI sont vraisemblablement sous-estimés à défaut d’une information complète sur certains projets interrompus par les arrestations

[iv] L’ingérence occidentale étant réduite par les jihadistes au soutien de régimes dictatoriaux contestés et au bombardement des populations civiles

[v] voir les excellents billets du blog de Michel Goya la Voie de l’Epéedont par exemple les petits canons de Wagram.

[vi] Voir le très bon article de Richard Falk, Failures of Militarisme in Countering Mega-Terrorism in Perspectives on Terrorism Volume 10, Issue 4, p. 53

[vii] dispositif engageant dans des missions de Sécurité intérieure l’armée : http://www.assemblee-nationale.fr/14/seance/rapport_emploi_forces_armees.pdf

[viii] rapport Amnesty EUR 01/5342/2017 « Des mesures disproportionnées : l’ampleur grandissante des politiques sécuritaires dans les pays de l’UE est inquiétante » : https://amnestyfr.cdn.prismic.io/amnestyfr%2Fd2f8ee9f-2ec3-4c3a-acea-02acc9cb3c10_eur_01_5342_2017_ext_fra-final.pdf

[ix] Sur Sentinelle, voir par exemple : « mon général, j’ai des doutes… »

[x] Sur l’impact de l’état d’urgence sur l’efficacité de la police voir par exemple « même les policiers doutent eux-mêmes de l’efficacité de l’état d’urgence« , il existe peut d’études d’impact de l’état d’urgence sur la police, citons cette première étude sur les acteurs locaux en Ile de France : http://www.lagazettedescommunes.com/461771/etat-durgence-une-etude-francilienne-evalue-limpact-sur-les-acteurs-locaux/

[xi] un article optimiste sur les expériences européennes de déradicalisation : El Difraoui Asiem, Uhlmann Milena, « Prévention de la radicalisation et déradicalisation : les modèles allemand, britannique et danois », Politique étrangère, 4/2015 (Hiver), pp. 171-182, et l’abandon progressif des expériences de déradicalisation impossible sà évaluer : http://www.francetvinfo.fr/monde/terrorisme-djihadistes/prisons-urvoas-veut-remplacer-les-unites-de-deradicalisation-par-des-quartiers-d-evaluation-de-la-radicalisation_1889095.html

[xii] les termes de radicalisation & de déradicalisation font référence à un cadre intellectuel similaire de la manipulation mentale et à l’embrigadement sectaire qui ne correspond pas selon nous à la conversation au jihadisme ni au passage à l’acte, la lecture de certains documents éclaire sur l’écart décisif entre ces deux cadres inconciliables comme celui du cdpsi : http://www.cpdsi.fr/wp-content/uploads/2016/10/premiers-indicateurs-evaluation-deradicalisation.pdf

[xiii] voir la synthèse la plus récente de Thomas Hegghammer, The Future of Jihadism in Europe : A Pessimistic View, in Perspectives on Terrorism Volume 10, Issue 6, p. 156 pour d’autre svisions pessimistes : le billet de M. Goya le jour d’après la grande attaque ou celui d’Aboudjaffar.

[xiv] En effet, rien ne permet à ce stade de savoir si les dirigeants de l’EI ont réalisé l’impasse stratégique dans laquelle il se trouve en France, et les débats politiques actuels en France montrent bien que les remises en question qui devraient suivre le constat de l’échec du contre-terrorisme sont loin d’être menées avec sincérité, quant elles ne sont pas tout bonnement niées

[xv] Moreng, Bridget, « ISIS’s Virtual Puppeteers« , Foreign Affairs, September 21, 2016 ; Hughes, Seamus, et Meleagrou-Hitchens, The Threat to the uNited States from the Islamic State’s Virtual Entrepreneurs, CTC SENTINEL, March 2017, p. 1 ;

[xvi] Gartenstein-Ross Daveed et Blackman Madeleine, « ISIL’s virtual planners : A Critical Terrorist Innovation« , War on the Rocks, January 4, 2017

[xvii] Nesser, Peter, Stenersen Ane et Oftedal Emilie, « Jihadi terrorism in Europe : The IS-Effect », Perspectives on Terrorism, Volume 10, Issue 6, p. 9 ;

[xviii] La notion d’entrepreneur en matière de terroriste jihadiste désigne aussi bien les jihadistes revenus après avoir reçu une formation, des territoires de l’EI que ceux radicalisés sur place, et qui n’ont donc jamais reçu de réelle formation aux explosifs, aux techniques terroristes, etc. de la part du groupe jihadiste auquel ils font allégeance,

[xix] FILIU, Jean-Pierre, The French « Iraqi Networks » of the 2000s : Matrix of the 2015 Terrorists Attacks ?, in Perspectives on Terrorism, Volume 10, Issue 6, p. 97 ;

[xx] Voir l’étude très complète de Hegghammer Thomas, The Future of Jihadism in Europe : A Pessimistic View, in Perspectives on Terrorism, Volume 10, Issue 6, p. 156

[xxi] « Au cours de ces dernières années, il y a eu une référence croissante à la menace de terroristes solitaires à travers l’Europe. Les commentateurs ont rapidement conclu que les attaques d’individus radicalisés étaient la manifestation du « loup solitaire » tant craint, tandis que les services de sécurités se sont mobilisés pour parer la menace que de tels attaquants représentait en termes de détection et d’arrestation. Pourtant, même utilisé avec précaution, le terme d’acteur « solitaire » peut masquer une situation bien plus complexe et nuancée. C’est ainsi que pour l’EI, il est aujourd’hui clair que la classification des projets entre ceux connectés/dirigés et ceux de « loups solitaires » est trompeuse, et obscurcit les degrés très variés d’encouragements, de direction ou même de support logistique…. » conclusion traduite par l’auteur de la note collective de recherche « Analysing the Process of Lone-Actor Terrorism : research Findings« , in Perspectives on Terrorism, Volume 10, Issue 2, p. 45 ;

[xxii] Voir par exemple Ellis, Clare, « With a Little Help from my Friends : an Exploration of the tactical Use of Single-Actor Terrorism by the Islamic State » in Perspectives on Terrorism, Volume 10, Issue 6, p. 41 et s.

[xxiii] Corner, Emily, Gill, Paul & Mason Oliver, Mental Health Disorders and the Terrorist : A research Note Probing Selection Effects and Disorder Prevalence, Studies in Conflict & Terrorism, 2016, Volume 0, No O, 1-9 ;

[xxiv] Corner Emily & Gill Paul, « Is There a Nexus Between Terrorist Involvement and Mental Health in the Age of the Islamic State ?« , CTCSENTINEL, January 2017, Volume 10, Issue 1, p. 1 à 10 ;

[xxv] Comme par exemple Abdallah El-Hamahmy, l’Egyptien venu à Paris pour commettre un acte terroriste au Louvre en mars 2017 ;

[xxvi] Ozer Murat, The Impact of Group Dynamics on Terrorist decision Making, in Understanding Terrorism : Analysis of Sociological and Psychological Aspects, IOPS Press 2007 p. 63 ;

[xxvii] Campion, Kristy, « Blast through the Past : Terrorist Attacks on Art and Antiquities as a Reconquest of the Modern Jihadi Identity« , in Persceptives on Terrorism, Volume 11, Issue 1, p. 26 ;